Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

PrÉSentation

  • : Lez/zone
  • : Lez Zone est un espace dédié à la culture et aux arts sapphiques, au féminisme. Vous y trouverez également quelques actualités. Poèmes illustrés, peinture, photographie, artistes invitées.
  • Contact

Textes illustrés

Lucie Aubrac :

Résister 

Rose Ausländer :

Dans le rien

Découvrir un chant

La chambre m'abrite

Ne le sais

Quand je partirai

Tu es là encore

Anne Archet :
Convulsive

Union nucléaire

Nicole Barrière :

Femmes en parallèle

Marie Bataille :

Nuit

Le silence te creuse

Germaine Beaulieu :

Dans l'attente

Elle s'interroge

Il n'y a plus de sens

Rien du noir

Tu tiens bon le désir

Jannick Belleau :

Adios Amiga

Jovette-Alice Bernier :

C'est alors que l'on sait

J'abdique tout

Louky Bersianik :

La Splendeur

Le testament de la folle alliée

Le visage

Maladie d'amour

Huguette Bertrand :

Alpamayo

Blondes nuits ensoleillées

Enchevêtré aux impossibles

Je ne suis que le vent

J'ai cette gourmandise

Les visages du temps

Quand le cri du corps

Sous la caresse des mots

Sur la pointe des doigts

Sur l'écran brûlant...

Claudine Bohi :

L'humilité...

France Bonneau :

Si j'étais immigrante

Nicole Brossard :

Aujourd'hui je sais

Ma continent

Ne touchons pas...

Sa surface

Sous la langue

Françoise Bujold :

Quand la perdrix...

Mélanie Cantin :

Innocent amour

Diane Cardinal :

Je m'assois sur ton nombril

Je m'infiltre sous ta peau

Tu murmures

Patrizia Cavalli :

De moi...

Natalie Clifford Barney :

Etre libre

Anne Collignon :

Ils étaient cinq

Cristie Cyane :

Laisse-toi aller

On veut pas d'ça ici !

Polaroïd

Rainbow

Un baiser sur ses seins

Louise Cotnoir :

Il faudrait le poème

Le sexe marqué...

Maison à louer

Christine Davi :

Elle dit non

Lucie Delarue-Mardrus :
Baiser 
L'étreinte marine
Refus

Si tu viens

Denise Desautels :

Les chuchotements et la caresse 
L'espoir ?

Tout ce bleu

Une histoire de beauté

Chahdortt Djavann :

L'Iran d'aujourd'hui

Hélène Dorion :

Tu avances une main...

Tu viendras...

J'adviens...

Emily Dickinson :

Douter de Moi !

Elle s'éleva...

Il a Sanglé ma vie

Il s'exerce sur votre Ame

Pour Toi

Eve Ensler :

Le clitoris...

Mon vagin, mon village

Procès en sorcellerie

Rosanna Fiocchetto :

La fureur...

Jacqueline Francoeur :

Sérénité

Madeleine Gagnon :

Un monde androgyne

Cathy Garcia :

Oiseaux

Claire Gérard :

Sensualité

Benoîte Groult :

Elle voudrait

Patricia Guenot :

Abolir la spirale...

Avenir Féminin

Tes mains

Colette Haddad :

Si proche !

Anne Hébert :

L'envers du monde

Les petites villes

Nuit

Istina :

Je me bats

Elle marche

Michèle Lalonde :

Speak white

Sophie Langemont :

Quand je t'imagine

Marguerite Lapalme :

Assimilation

Audre Lorde :

Combattre l'oppression

Habiter les silences...

Savoir - plutôt que penser

Marie-Victoire Louis :

Justice

Andrée Maillet :

Amérique française

Françoise Mariotti :

Lisse comme une pierre blanche

Hélène Marquié :

Le corps subversif

Luci-Louve Mathieu :
Femme

Femme source

Les filles de plume

Lettres

Valéry Meynadier :

Juste...

Peu...

Carole Menahem-Lilin :

Désir obscur...

Le nu visionnaire

Nudité

Souffle 
Un parfum d'écorce

Micheline Mercier :
Abnégation

Isabell Miller :

Fondre

Shawn Mir :

Là-bas les Flandres

La lesbienne d'aujourd'hui

Misfit :

Ange d'éternité

De mes soeurs lesbiennes

Des siècles...

D'un clapotis de l'âme

Le tourbillon...

Tout se passera bien

Vermillonner d'aimer

Colette Nys-Mazure :

Aimée-Aimante

Délivrer les sources

Flux et reflux
Angèle Paoli :
Peut-être

Geneviève Pastre :

Au mâle quand il veut s'interposer

Bonheurs

Je chie je dis...

Marie-Thérèse Peyrin :

Regarde

Ludmilla Podkosova :

Aimer

Lucie Poirier :

Les longs chemins

Catherine Ribeiro :

Femmes algériennes

Adrienne Rich :

A Judith

L'honneur des femmes

Nier notre réalité

Si c'est le désir...

Amina Saïd :

Amour notre parole

Enfant moi seule

L'élan le souffle le silence

Cécile Sauvage :

Le vallon

Isabelle Servant :

Sûrement

Christel J-Stefariel :

Les mots à huis clots

Nada Stipkovic :
Lâcheté
Jeanne Talbot-David :

Où allons-nous

Si fortement rêvé...

Françoise Tchartiloglou :

C'est la vie

Comme la mouette

Repli

Résidence

Emmanuelle Urien :

Tout est pareil

Yolande Villemaire :
Le son du soi
Clara Vincent :

Au pays de ton corps

Dis femme...

Petite garce femme

Tout près du visage

Renée Vivien :

Intérieur

Le Pilori

Notre Dame des Fièvres (Tolède)

Sonnet "Parle-moi..."

Union

Ton Ame

Vierges et femmes...

Simone Weil :

Comme le puissant...

Monique Wittig :

Elles disent...

J/e suis frappée d'interdit...

Sois m/a très chérie...

Leïla Zhour :

Aime-moi

A mon revers

Deux

Grandes et dures

Je cherche un visage...

T'aimer

Ton regard...

Recherche

En théorie : des articles de fond et de référence sur le lesbianisme, l'homosexualité et le féminisme, ainsi que quelques articles sur l'actualité LGBT.

Un peu d'art aussi, des coups de crayons et de pinceaux, de la poésie, des images.

En pratique :un blog et son histoire. 

Les albums qui sont dédiés à une artiste en particulier sont créés avec l'autorisation et la collaboration de cette artiste. Pour litiges ou autres mots, mon adresse mail : sappho4444@hotmail.com 

Archives

Liens

Portails lesbiens :
Sappho
Tasse de Thé
Lesbiagenda Toulouse

Lesbian Index

Sapphica


Blogs lesbiens : 
L'ancien Lezzone et ses archives

Elles à Elles

Complicités Féminines

Geneviève Pastre 

Gouts Doux
Lesbiennes maghrébines

Mauvaise Herbe 

Mot à Mot 
Sensuality

Références Lesbiennes :
Archives lesbiennes de Paris

Archives lesbiennes de Berlin

Bagdam Espace Lesbien

Cineffable

Coordination Lesbienne

Isle of Lesbos

La Barbare

Les Rivages de Mytilène
Saphisme.com

Univers-L


LGBT/Queer :

France Gaie et Lesbienne

Fugues : G&L du Québec

Inter LGBT

Les Panthères Roses

Media-G

SOS Homophobie 


Sites féministes : 

ANEF 

Annuaire Etudes féministes 
Anti patriarcat
CCP(ublisexisme)
CNDF
Contre le publisexisme

Encore féministes !

Femme libre (blog)

Femmes en Résistance

Films de Femmes 
Furieuses Fallopes
Glasgow Women's Library

Hors Champ

La Barbe
La Maison des Femmes
 
La Meute
Les Pénélopes  

Mix-Cité

Sisyphe

Têtes hautes

The Women's Library


Auteures :
Michèle Causse
Françoise Leclère
Geneviève Pastre
Monique Wittig

Espaces poétiques :

Huguette Bertrand

Poé-graphie

Poénamur

Poénamur 2

Poésie sapphiste

Renée Vivien

Shawn Mir

Terres de Femmes


Artistes peintres :

Marie Lydie Joffre
Hélène Khoury 

Françoise Tchartiloglou

Sylvette Vinot 

Photographie :
Cathy Peylan
Rebelle


Référencement :

Ref-ici

Mesblogs.com 
Référencement blog
Lesbienne sur Reflink
 

Annuaire de flux d'actualités 

 

Augmenter la visibilité de votre site avec son l'indexation sur nos annuaires en liens durs

26 novembre 2004 5 26 /11 /novembre /2004 00:00

 

Les griots africains portent leur voix contre l'excision

Pour la première fois, ces influents poètes-musiciens se sont engagés à lutter contre une mutilation qui concerne deux millions de fillettes par an.


Par Anne-Cécile BRAS
Ouagadougou envoyée spéciale


«Vous voyez, là, le sexe est complètement fermé. La boule entre les jambes, c'est la tête du bébé qui ne peut pas sortir. Cette femme est restée comme ça pendant trois jours. On a ouvert et regardez : le bébé est pourri. Voilà les conséquences de l'excision !» Dans la salle, le malaise est pesant. Mais Moustapha Toure, un gynécologue malien, continue son exposé à coups de photos chocs et d'histoires sordides : «J'ai opéré 125 femmes ces trois dernières années. J'ai pris ces photos parce qu'en voyant les images, il n'y a plus de doute.» L'excision tue. Elle crée des séquelles irréparables. Et pourtant, deux millions de fillettes sont mutilées chaque année au nom du respect de la tradition. Une tradition orale transmise depuis des siècles par les griots, ces poètes-musiciens respectés et écoutés par tous. Comment convaincre ceux-ci de lutter contre une pratique ancestrale ? Fin septembre, une centaine d'entre eux venus de dix pays d'Afrique de l'Ouest (1) se sont engagés à combattre l'excision lors d'un forum organisé par l'Agence intergouvernementale de la francophonie à Ouagadougou (Burkina Faso). Une première. L'influence des communicateurs traditionnels est enfin prise en compte. Fadia Nassif, responsable des projets femmes et développement à l'Agence de la francophonie, est confiante : «Pour être efficace, il faut viser les populations des zones rurales. Depuis 2003, nous travaillons avec les griots du Mali et de Guinée. C'est lent, mais ça fonctionne bien.»

Electrochoc.

Il est 10 heures du matin. A l'hôtel Relax de Ouagadougou, malgré une lumière crue et une chaleur suffocante, la matinée est studieuse. Les 160 participants sont répartis en trois ateliers selon leur langue : français, malinké-bambara et peul. Pendant quatre jours, médecins, juristes et imams se succèdent. Ils expliquent et décortiquent leurs arguments. Oui, l'excision peut avoir des conséquences terribles pour la santé des petites filles. Non, elle n'est pas prescrite par le Coran. Oui, il y a des lois qui prévoient de fortes amendes et des peines d'emprisonnement. Mais pour faire passer le message, il faut créer un électrochoc. Dès le premier soir, les participants regardent la Duperie, un documentaire tourné dans le sud du Nigeria : l'excision en direct d'une petite fille sur un marché. Certains quittent la salle, d'autres pleurent, tout le monde regarde ses pieds. «Je suis choqué par les films et les discours que j'entends ici. Je n'avais jamais assisté à une cérémonie d'excision. Je ne sais même pas si mes quatre filles sont excisées», lance Ba Saïdou Diou Bouguel, pourtant bembado, autrement dit gardien des traditions chez les Peuls. «Ce sont les femmes qui font ça, mais, finalement, personne ne sait à quoi ça sert. Certaines disent que si la fille n'est pas excisée, elle va trop aimer les hommes. Il faut que ça change, même chez nous !» Chez les Peuls, une ethnie disséminée du Niger à la Guinée, 90 % des filles sont excisées.

A Ouagadougou, fief du Festival panafricain du cinéma d'Afrique de l'Ouest (Fespaco), les organisateurs du forum ont projeté Mooladé du Sénégalais Sembène Ousmane. Mooladé ­ qui signifie «droit d'asile» en langue peule ­ raconte l'histoire d'une deuxième épouse, mère excisée qui refuse la «purification» pour sa fillette de 7 ans. Un film qui met la société face à ses contradictions. A la sortie de la projection, Sirandou Drame, une griotte malienne d'une soixantaine d'années, drapée dans un imposant boubou vert pâle, sèche ses larmes. «Chez nous, 9 filles sur 10 sont excisées. C'est dur d'arracher un arbre qui a des milliers d'années. En tant que femme, j'ai connu ça dans ma chair. Je n'osais pas en parler, mais ici, ils m'en donnent la force.» Voilà de quoi réjouir le président du Comité interafricain de lutte contre l'excision, présent dans 28 pays. Depuis vingt ans, le docteur Morissanda Kouyate travaille avec les ONG et les gouvernements. Sans grand résultat. «Il fallait trouver d'autres canaux de communication. Si nous arrivons à convaincre les griots, vous allez entendre sonner les cloches de la guerre contre l'excision dans chaque village.» Et, petit à petit, dans les ateliers, les langues se délient. Les tabous sautent. Damissasse Koudiebate n'avait jamais quitté la Guinée Conakry. Griot mandingue, il vient de Sigiri, près de la frontière malienne : «Au départ, je ne pouvais pas rester dans la salle. Ces photos... Parler sexe avec des femmes, c'est impossible chez moi ! Mais j'ai beaucoup appris.» Objectif atteint ? Thiedel M'Baye est griotte dans la région de Brakna, dans l'est de la Mauritanie : «Dès mon retour à Nouakchott, je pourrai donner des arguments contre l'excision à travers mes concerts et les cérémonies. J'ai même composé une chanson. Je vais la chanter partout.»

Engagement total.

Certains n'avaient jamais pris l'avion, d'autres comme la Malienne Adja Soumano sont de véritables stars internationales : ils ont tous joué le jeu. Remettre en cause la coutume. Comprendre pour mieux transmettre. Les participants ont même créé le Réseau des communicateurs traditionnels d'Afrique de l'Ouest. Ben Chérif Diebate, chef des griots du Mali, en a été désigné président : «Ce forum est un véritable tournant dans la prise de conscience de tous les griots d'Afrique de l'Ouest. Au Mali, nous sommes organisés depuis longtemps contre l'excision. Nous avons même réussi à en parler sur la télévision nationale. Ce sera long, mais nous savons déjà que c'est efficace.» Tous s'engagent à abandonner cette pratique dans leur famille et à utiliser leur aura pour délivrer la parole. Seul problème : neuf hommes pour une seule femme à la direction du réseau. «Les autres sont analphabètes. Si nous voulons communiquer par mail, il faut savoir écrire...», justifie Balla Sidiki, le vice-président. A quand un forum sur la scolarisation des filles ?

(1) Burkina Faso, Mali, Guinée, Guinée- Bissau, Sénégal, Mauritanie, Niger, Togo, Côte-d'Ivoire, Bénin.

Source :
http://www.liberation.fr/page.php?Article=257072
Mis en ligne le 26/11/04

Partager cet article
Repost0
25 novembre 2004 4 25 /11 /novembre /2004 00:00

 

Dix mesures contre les violences conjugales

Des associations manifesteront samedi pour réclamer une loi-cadre sur le modèle espagnol.


La violence conjugale est en passe de devenir une nouvelle cause nationale. Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, devait se saisir du sujet dans une communication au conseil des ministres, mercredi 24 novembre, en annonçant dix mesures d'un "plan global de lutte contre les violences faites aux femmes". La veille, les groupes socialiste et Verts du Sénat ont déposé une proposition de loi "tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes et au sein du couple".

Pour de nombreux observateurs, il était temps que le débat soit lancé. La violence conjugale ferait vingt victimes tous les mois. Selon l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, menée en 2000, 10 % des femmes déclarent avoir été victimes de violences conjugales. Toutes les catégories sociales sont concernées. L'exemple espagnol du gouvernement Zapatero, qui a fait adopter une loi pénalisant les auteurs de violences, est désormais dans toutes les têtes. Le plan de Mme Ameline veut répondre à cette urgence.

L'objectif affiché est la mise en place d'un dispositif complet pour permettre aux femmes violentées de quitter le domicile conjugal. "Notre idée est d'organiser un parcours sécurisant, de l'appel de détresse des femmes jusqu'à leur autonomie retrouvée", explique Mme Ameline. En premier lieu, des hébergements leur seront réservés dans différentes structures : chaque département doit se doter d'ici trois ans d'un plan départemental d'accueil et d'hébergement prévoyant un lieu d'accueil de jour, des places dans les centres d'hébergement d'urgence et les centres de réinsertion sociale ou dans les familles d'accueil pour les personnes âgées ou handicapées.

Pour aider les femmes dans le domaine de l'emploi, en cas de changement de domicile pour s'éloigner du conjoint violent, il est prévu de reconnaître la démission comme "légitime". Il suffirait aux femmes de présenter aux Assedic la copie de la plainte ou son récépissé de dépôt pour ouvrir les droits au chômage. Sur le plan judiciaire, plusieurs modifications législatives sont envisagées : la ministre veut étendre la circonstance aggravante liée à la qualité de conjoint ou concubin pour les meurtres et violences sexuelles ; l'éloignement du domicile conjugal serait précisé dans les contrôles judiciaires comme pour les sursis avec mise à l'épreuve.

Il est par ailleurs envisagé de lever le secret médical pour faciliter les signalements. Dans trois sites pilotes, un "réseau violences et santé", associant médecins de ville, services d'urgence et services sociaux, sera mis en place. Les subventions aux associations aidant les victimes seront augmentées de 1 million d'euros. Enfin, deux enquêtes devraient être lancées, l'une sur le nombre de décès sous les coups, l'autre sur le coût économique des violences conjugales.

A l'appel du Collectif national pour le droit des femmes (CNDF), une quarantaine d'associations appellent à manifester, samedi 27 novembre à Paris, pour réclamer une "loi-cadre" sur le modèle espagnol. C'est le sens de la proposition de loi du groupe socialiste au Sénat, qui propose un dispositif global de répression (avec des peines alourdies pour les conjoints) et d'aide aux victimes.

Sylvia Zappi

Source :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-388240,0.html
Mis en ligne le 25/11/04

Partager cet article
Repost0
20 novembre 2004 6 20 /11 /novembre /2004 00:00

 

Au Darfour, «des femmes ont été violées par des policiers»

A Nyala, la police a violemment chassé des réfugiés et rasé leur camp.


Par Alexis MASCIARELLI

Nyala envoyé spécial


Agglutinés sous des arbres et des huttes bâties à la hâte avec branches et haillons, pour se protéger du soleil brûlant, les nouveaux arrivés du camp d'Al-Bar sont furieux. «Les policiers sont venus au milieu de la nuit dans le camp d'Al-Geer, où nous vivions à Nyala, pour nous attaquer, dénonce le cheikh Adam Mahamat Ahmed, chef d'une communauté de plus de 200 familles. Ils ont entouré le camp. Et puis ils ont tiré des grenades de gaz lacrymogènes. Ils nous ont frappés. Certains d'entre nous ont été blessés par balle. Des femmes ont été violées par des policiers. Ils nous ont fait embarquer dans des camions pour nous amener ici.»

Bulldozers.


Par deux fois en novembre, le 2 puis le 10, les policiers soudanais ont attaqué des civils qui avaient trouvé refuge à Nyala après avoir déjà fui leurs villages pour échapper aux attaques meurtrières des Jenjawids, des milices, majoritairement constituées de combattants arabes, à la solde du gouvernement dans sa lutte contre les rébellions du Darfour, qui réclament que leur région bénéficie d'un meilleur partage du pouvoir et des ressources. Après avoir chassé les déplacés, les policiers ont supervisé l'action des bulldozers, venus raser ce qui restait du camp.

Des policiers en faction s'approchent. Le cheikh baisse le ton. Puis la tête. Après un instant, il reprend. «Nous craignons vraiment que ce soit seulement la première étape, dit-il à voix basse, que le gouvernement décide maintenant de nous ramener de force dans nos villages.» Le camp d'Al-Bar est placé sous administration directe du gouvernement. La majorité de l'aide humanitaire y est mise à disposition par le Croissant-Rouge saoudien. Les tentes blanches sont spacieuses, les allées, nettoyées. Les lits du centre de soins sont vides et leurs draps, propres. Une bizarrerie au Darfour, où la malnutrition a atteint des niveaux inquiétants et où nombre d'enfants souffrent de fièvre et de diarrhées. «Notre objectif est de faire venir ici les déplacés qui vivent dans d'autres camps où les conditions ne sont pas décentes, explique Ahmed Ali, le directeur du camp d'Al-Bar. D'ici, ils pourront ensuite retourner dans leurs villages.» Par la force ? «Non, promet-il, cela se fera sur une base volontaire.» Ce camp fait peur à certains humanitaires basés à Nyala. «On craint vraiment que le gouvernement nous dise, maintenant que tout est sous contrôle là-bas, qu'il n'a pas besoin de nous et qu'il continue d'y attirer des déplacés dont on perdra alors la trace», explique un responsable d'agence.

«La violence policière est inacceptable», estime Vincent Hoedt, coordinateur des opérations de MSF - Pays-Bas au Darfour. «Même s'il faut respecter le fait que le gouvernement est souverain sur son territoire et qu'il a le droit de décider si un endroit est propice ou non à l'installation des déplacés. La manière était totalement exagérée. Je suis surtout inquiet par ce qui se passe hors des sentiers battus, où des milliers de personnes sont forcées de se déplacer une, deux, trois, quatre fois, à cause des violences.»

Disette.


D'après l'ONU, cette guerre a déjà fait 70 000 morts et près de 2 millions de déplacés. Et le conflit est loin de s'apaiser. Les déplacements permanents, la peur des attaques et de maigres pluies n'ont pas permis aux paysans de cultiver. La disette menace. La guerre commence à avoir de sérieuses répercussions pour les habitants des grandes villes du Darfour, qui n'ont pas été directement touchés par les attaques des Jenjawids. Le marché aux bestiaux, autrefois un des plus grands du pays, tourne au ralenti. Les riches marchands de Khartoum, la capitale, n'osent plus venir dans la région à cause de la recrudescence du banditisme.

Malgré les efforts de la communauté internationale, la situation sur le terrain ne fait qu'empirer. Le cessez-le-feu est violé quotidiennement par les rebelles comme par les forces gouvernementales. Les observateurs militaires de l'Union africaine sont dépassés. Khartoum est accusé de continuer à équiper les Jenjawids, en dépit des promesses de désarmement. Et, pendant que les nomades arabes occupent leurs terres ancestrales avec leurs grands troupeaux de bétail, les victimes civiles refusent de rentrer dans leurs villages en ruines. «Le gouvernement n'a jamais été sérieux vis-à-vis du Darfour, juge un imam respecté de Nyala. C'était déjà le cas avant la guerre. Pour que la paix revienne, il faut que les Jenjawids soient contrôlées, que les criminels qui ont tué et détruit les villages soient jugés, que la sécurité soit rétablie sur les routes et que des compensations soient versées aux victimes. Sinon les troubles vont continuer.»

Source :
http://www.liberation.fr/page.php?Article=255545
Mis en ligne le 20/11/04

Partager cet article
Repost0
19 novembre 2004 5 19 /11 /novembre /2004 17:00

 

FEMMES D'AILLEURS - Comment devenir une épouse indienne modèle en dix leçons

A une époque où les femmes indiennes se battent pour se débarrasser de siècles d'oppression et cherchent à trouver leur place dans le monde du travail, des instituts leur proposent de suivre une formation pour apprendre à être une femme au foyer idéale et une épouse modèle.


"Bien que l'Inde soit l'un des pays les moins touchés par le divorce, le pourcentage des mariages qui se terminent ainsi croît régulièrement depuis dix ans, en particulier dans les zones urbaines", explique Ranjana Kumari, le directeur du Centre pour la recherche sociale de New Delhi, cité par le Washington Post. Aux yeux des conservateurs, cette tendance est une menace pour les valeurs familiales indiennes. Une menace que l'institut Manju, parmi d'autres, s'attache à combattre en rappelant aux femmes leur rôle traditionnel. L'institut trouve ses élèves dans les sphères les plus évoluées de la société, la plupart sont des jeunes filles diplômées de l'université, sur le point de se marier.

L'existence de ces centres où l'on enseigne aux femmes à tenir leur place au foyer met en colère les experts indiens du développement, pour lesquels l'évolution du statut de la femme est une urgence. Chaque année en effet, 6 000 Indiennes sont assassinées par leur mari ou par leur belle-famille, "souvent aspergées de kérosène en faisant la cuisine, elles meurent brûlées vives, la plupart du temps pour une affaire de dot".


"Après son mariage, la jeune épouse ne doit pas oublier qu'elle entre dans sa belle-famille afin de la servir et faire de sa maison un paradis", tel est l'un des préceptes enseignés à l'institut Manju. Le livre que l'on remet aux élèves rassemble nombre d'avis du même genre : "L'épouse devra faire tout ce que sa belle-mère ou son beau-père lui demandent, car ces derniers ont toujours raison." Il propose également une multitude de conseils pour apprendre à bien s'en sortir avec son époux : "Pour une femme, le mari représente tout, la femme doit se coucher après lui et se lever avant lui. Quand il rentre à la maison, elle doit l'accueillir avec un sourire, l'aider à se déchausser, le faire asseoir, lui apporter de l'eau et des biscuits et lui demander en souriant comment il a passé sa journée, car la femme tient entre ses mains le bonheur de son mari. En outre, elle ne doit pas sortir sans sa permission."

Le livre contient également un supplément destiné aux hommes, afin de leur apprendre à bien se comporter avec leur femme. Parmi les conseils prodigués, on peut lire : "Si vous n'aimez pas sa façon de faire la cuisine, ne vous mettez pas en colère, expliquez-lui gentiment ce qui ne vous plaît pas, ne la battez pas et, de temps en temps, rendez hommage à ses qualités de cuisinière."

De même, sur le plan sexuel, le plus est l'ennemi du mieux : "On peut vivre en célibataire tout en étant marié", explique Hemmani, le fondateur de l'institut Manju de Bhopal. Et de citer un saint hindou qui recommande aux couples de n'avoir qu'une seule relation sexuelle au cours du mariage ou à la rigueur, si cela ne suffit pas à leur bonheur, une fois par an, car selon lui de trop nombreuses relations sexuelles réduisent la durée de vie.

"Le principe est d'appartenir complètement à son mari et à sa belle-famille. Si ces derniers veulent que je travaille, je travaillerai, s'ils ne le veulent pas, j'accepterai. Mon rôle est de les servir", explique Meena Mangtani, diplômée en gestion, anglais et informatique, et qui se destinait à travailler dans une banque. Meena, qui croit à l'égalité des sexes, a suivi à Bhopal, avant de se marier, les cours de l'institut Manju.

Anne Collet

Source :
http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=32568&provenance=accueil&bloc=09
Mis en ligne le 19/11/04

Partager cet article
Repost0
8 novembre 2004 1 08 /11 /novembre /2004 17:00

 

FEMMES D'AILLEURS - Les électrices américaines ont changé



"On l’a surnommé le vote ‘Sex and the City’, en référence à un célèbre feuilleton TV mettant en scène des femmes célibataires citadines et libres. Or ce vote aurait dû faire basculer l’élection en faveur de John Kerry", explique le Chicago Tribune. Et pourtant, cela ne s’est pas produit. Un grand bouleversement a eu lieu : le vote des femmes a changé. Traditionnellement enclines à voter démocrate, "les américaines ont été plus nombreuses que d’habitude à soutenir le candidat républicain", indiquent tous les sondages effectués à la sortie des urnes. "La différence entre les votes masculin et féminin, qui a toujours été importante dans l’électorat américain, s’est effritée", note US News & World Report.

Les femmes, à l’image de la société américaine, sont divisées en deux camps et c’est leur statut marital qui fait la différence. "Le fossé s’est agrandi entre le vote des femmes mariées et des célibataires", constate l’hebdomadaire The Nation, qui a analysé les raisons des choix de l’un et l’autre groupe.

D’un côté, nous avons les femmes mariées avec enfant que l’on surnommait les "soccer mums", ou "mamans football", parce qu’elles sont pour la plupart des mères au foyer. Elles se sont transformées depuis le 11 septembre en "security mums", des "mamans sécurité", obsédées par la perspective d’attaques terroristes. De l’autre, nous avons les célibataires et les femmes divorcées avec ou sans enfant, qui se battent surtout pour leur emploi, leur logement et leur couverture sociale. Ce groupe représente 22 millions de personnes, soit 20 % de l’électorat. "On sait aujourd’hui que si ces femmes avaient toutes voté en 2000, Al Gore aurait été élu. Et pourtant, cette année, les candidats, et surtout John Kerry, n’ont rien fait pour attirer leur vote", déplore The Nation.

"55 % des femmes mariées ont donné leur voix à Bush, contre 45 % à Kerry. Quant aux femmes mariées mères de famille, 59 % d’entre elles ont voté pour Bush contre 40 % pour Kerry. De leur côté, les femmes célibataires ont voté pour John Kerry à 58 % contre 40 % pour George Bush", relève The New York Times. Un autre sondage, cité par le même quotidien, indique qu’au lendemain du 2 novembre, 24 % des femmes étaient en colère et 48 % déçues du résultat ; 27 % des célibataires se sont même dites déprimées.

Quand on leur a demandé quel était le sujet qui leur importait le plus, une majorité d’électeurs a répondu : les valeurs morales. Et parmi les électeurs qui ont mis les valeurs morales en tête, 80 % ont voté pour George Bush, notoirement contre l’avortement et défenseur de vieilles valeurs familiales. Déjà, "des supporters exultants demandent à George Bush de prendre rapidement des décisions sur les sujets qui leur tiennent à cœur, à savoir le mariage gay et l’avortement", annonce The New York Times. "Le pays est au bord de l’autodestruction, car il a abandonné le modèle de famille traditionnelle", explique quant à lui le docteur Dobson, fondateur d’un groupe protestant influent qui défend les valeurs familiales. "Si la nouvelle administration ne fait rien pour changer les lois dans les quatre ans qui viennent, elle en paiera le prix", a-t-il d’ailleurs menacé. Les femmes, qui sont les plus directement concernées par cette idéologie, risquent de regretter leur vote…

Anne Collet



Source : http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=30358&provenance=accueil&bloc=06
Mis en ligne le 8/11/04

Partager cet article
Repost0
5 novembre 2004 5 05 /11 /novembre /2004 17:00


Une manifestation à Lisbonne en février 2004 - AFP



PORTUGAL - L’hypocrisie de la législation sur l’avortement

Un procès pour crime d'avortement relance le débat sur l'interdiction de l'interruption volontaire de grossesse. La presse constate les contradictions de la société portugaise, entre un discours extrêmement moderne sur la sexualité et le poids de la tradition et de l’ignorance en matière de contraception.


"Une jeune fille de 21 ans était jugée, le mardi 2 novembre, au tribunal correctionnel de Lisbonne pour avoir interrompu volontairement sa grossesse en prenant du misoprostol", un médicament conçu pour combattre les ulcères de l’estomac mais pouvant avoir des effets secondaires abortifs, rapporte l’hebdomadaire Visão.

Ce procès remet à la une la question de l’interruption volontaire de grossesse, que la loi portugaise, ratifiée par référendum en 1998, considère comme un crime passible d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison. Seules trois raisons d’avorter sont admises par le texte : le danger pour la vie ou pour la santé de la mère, la malformation du fœtus ou le viol. Or la situation de la jeune fille ne correspondait à aucun de ces trois cas.

Etudiante d’origine capverdienne, âgée de 17 ans lors des faits et vivant avec sa mère dans une banlieue défavorisée de la capitale, elle n’a à aucun moment été accompagnée médicalement pour sa grossesse avant son arrivée aux urgences à la suite d’importantes hémorragies. Elle pensait d’ailleurs être enceinte de trois semaines et non de cinq mois, comme l’ont révélé ensuite les analyses.

A l’hôpital, elle a déclaré à un officier de police venu lui rendre "visite" qu’elle avait pris seule cette décision difficile en ingérant cinq comprimés par voie orale et trois par voie vaginale, car elle "n’était pas en mesure d’offrir à l’enfant les conditions nécessaires pour l’élever correctement", raconte le magazine portugais.

Mardi, moins d’une heure après le début du procès, la juge Conçeição Oliveira a rendu un verdict favorable à la jeune fille, alléguant que l’intention délibérée d’avorter n’avait pas été prouvée et déclarant ensuite qu’"à 17 ans on est une enfant". Les médias et les responsables politiques du pays ont approuvé cette décision - jusqu’au bâtonnier de l’ordre des avocats, José Miguel Júdice, qui a déclaré au prestigieux quotidien Diário de Notícias que "parfois Dieu écrit le droit sur des lignes tordues".

Une ligne bien-pensante que rejette la journaliste portugaise Fernanda Câncio dans ce même quotidien. "Parce qu’elle est pauvre et enfant et noire, on peut tous garder notre conscience tranquille et continuer à dire que la loi qui criminalise l’avortement n’est pas aussi mauvaise puisque les tribunaux ne la condamnent pas ; puisque les criminelles, ce sont les femmes mûres, qu’on ne peut pas présenter en victimes, celles qui ne demandent pas pardon."

D’ailleurs, rappelle Visão, "le procès, commencé la seconde quinzaine de juillet 2004, contre une infirmière et deux femmes de 26 ans pour pratique illégale de l’avortement est toujours en cours". Et, remarque encore l’hebdomadaire, "le gouvernement portugais reste le seul à avoir interdit, en août dernier, l’entrée dans ses eaux territoriales au bateau de l’association néerlandaise 'Women on Waves', qui abrite une clinique gynécologique où se pratiquent des avortements. Même la Pologne et l’Irlande, qui ont une législation beaucoup plus restrictive que le Portugal en termes d’IVG, ne l’avaient pas fait."

Outre l’attitude ambiguë de la société portugaise, le procès révèle aussi l’ignorance en matière de sexualité - une ignorance que le quotidien de centre gauche Público met en évidence en publiant les résultats d’une étude menée entre 1998 et 2000 conjointement par l’Institut national des sciences sociales et par le Planning familial sur le thème "Fécondité et contraception : parcours de santé reproductive des femmes portugaises". L’enquête montre qu’au Portugal les femmes ne savent pas utiliser correctement les méthodes contraceptives, notamment la pilule, dont l’usage reste pourtant le plus répandu dans le pays.

"Les chercheurs ont rencontré une réalité sociale où se mêlent des éléments de discours extrêmement modernes sur la sexualité et des éléments de tradition et d’ignorance patente sur les principes d’action des moyens contraceptifs et sur leur mode d’utilisation", résume Público.

Visão comme Diário de Notícias dénoncent "l’hypocrisie de la législation sur l’avortement", tandis que Público regrette "l’absence d’une véritable volonté politique de renforcer l’éducation sexuelle au niveau national, non seulement auprès des jeunes filles scolarisées, mais aussi auprès des femmes plus âgées". Pour le quotidien, "la question sexuelle et contraceptive au Portugal nous révèle le portrait d’un pays dont la modernité reste encore à achever".

Suzi Vieira

Source : http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=29611&provenance=accueil&bloc=02
Mis en ligne le 5/11/04

Partager cet article
Repost0
28 octobre 2004 4 28 /10 /octobre /2004 17:00

 

Simone Veil raconte la loi sur l'avortement

Dans un livre d'entretien avec notre collaboratrice Annick Cojean, Simone Veil se souvient du contexte et des débats féroces qui ont entouré le vote, le 20 décembre 1974, de la loi sur l'avortement. Extraits.

A la fin des années 1950, l'avortement était-il un sujet de débat parmi les magistrats ?

Et comment ! Alors que toute question de caractère politique était taboue dans le milieu de la magistrature, le sujet de l'avortement était ouvertement débattu et suscitait même beaucoup d'affrontements. Je me souviens d'un débat organisé dans les locaux de la Cour de cassation où les esprits s'étaient échauffés. Certains jugeaient urgente une libéralisation de la loi, d'autres voulaient l'appliquer avec davantage de rigueur.

Il y avait à l'époque un juge d'instruction chargé des questions médicales et des poursuites contre les médecins qui était obnubilé par la question de l'avortement. Je ne citerai pas son nom, mais il était la hantise du corps médical, notamment des gynécologues, et il poursuivait avec plaisir, et même une sorte de sadisme, les femmes concernées et toute personne qui aurait pu les aider à avorter. Des lettres, des dénonciations anonymes facilitaient la tâche.

Vous intéressiez-vous personnellement à ces discussions ?

Beaucoup, comme de nombreuses jeunes femmes magistrats. L'entrée des femmes dans ce métier n'est pas pour rien dans l'évolution de ce débat, par ailleurs indissociable de celui de la contraception. Relisez les dispositions relatives à la contraception dans la loi de 1920. C'est extraordinaire !

Interdiction était faite à quiconque, y compris aux médecins, de donner aux femmes le moindre conseil en matière de contraception, fût-ce sur la fameuse méthode Ogino, fondée sur le calcul des périodes de fécondité féminine, ou sur la méthode des courbes de température.

En Angleterre, en Suisse, aux Etats-Unis, on parlait depuis longtemps déjà des techniques de birth control.La pilule était inventée, l'idée d'une maîtrise et d'une planification des naissances faisait son chemin. (...)Mais la France paraissait bloquée.

Comment expliquez-vous ce retard ?

Pendant longtemps, l'explication fut surtout le poids de l'Eglise et de la tradition. Mais je me suis surtout rendu compte, à l'arrivée de la pilule, que le débat autour de la contraception perturbait bien davantage les hommes que la question de l'avortement. Comment dire ? La contraception était en fait une révolution dans l'histoire de la maternité : "Un enfant quand vous voulez"... C'était incroyablement nouveau. Avec la pilule, la femme acquérait de l'indépendance, devenait maîtresse de la procréation, programmatrice de la naissance sans même que l'homme le sache.

Voilà le grand tournant dans l'histoire des hommes et des femmes ! Voilà la vraie rupture par rapport à ces millénaires pendant lesquels c'est l'homme qui était le maître de la procréation. Beaucoup d'hommes se sont soudain sentis frustrés, dépossédés, anxieux. On les privait de leur virilité ! Cela leur paraissait inimaginable. Il est d'ailleurs symptomatique que la loi de 1967 libéralisant enfin la contraception ait été issue d'une proposition de loi déposée par un député - Lucien Neuwirth - et non d'un projet du gouvernement.

Elu, Valéry Giscard d'Estaing se prononce clairement pour une libéralisation de l'avortement et impose la réforme à son premier ministre, Jacques Chirac, qui y est hostile. Lorsque celui-ci vous téléphone pour vous proposer le portefeuille de la santé, cela sous-entend-il la gestion du dossier avortement ?

Non, pas du tout. C'était le garde des sceaux qui avait préparé le précédent projet de loi. Je n'avais donc aucune raison de penser que cela incomberait au ministre de la santé. C'est Michel Poniatowski, mon prédécesseur, qui m'en a parlé, lors de la passation des pouvoirs. Il savait que je m'intéressais particulièrement à la question. "Il est urgent de légiférer, m'a-t-il dit, sinon vous risquez un beau matin de surprendre un avortement sauvage pratiqué dans votre propre bureau !" (...)

Imaginiez-vous, en montant à la tribune, le degré d'hostilité que vous alliez rencontrer ?

Non. Je savais - ne serait-ce que par le courrier reçu - que les attaques seraient vives, car le sujet heurtait des convictions philosophiques et religieuses sincères. Mais je n'imaginais pas la haine que j'allais susciter, la monstruosité des propos de certains parlementaires ni leur grossièreté à mon égard. Une grossièreté inimaginable. Un langage de soudards. Car il semble qu'en abordant ce type de sujets, et face à une femme, certains hommes usent spontanément d'un discours empreint de machisme et de vulgarité. (...)

Beaucoup d'allusions au nazisme...

Oui, comme dans le courrier abondant que je recevais et qui contenait des dessins ignobles, des croix gammées et des propos antisémites. Laissez-les vivre avait organisé une vaste campagne. Et certains mouvements d'extrême droite en ont profité. Je l'ai expérimenté à nouveau un peu plus tard, alors que j'étais au Parlement européen. Des propositions de directives sur la cosmétologie, concernant l'expérimentation animale, m'ont valu de nombreuses lettres évoquant le génocide des juifs.

Quel est le pire que vous ayez entendu ?

Les propos de Jean-Marie Daillet.

Celui qui vous demande si vous accepteriez de jeter les embryons au four crématoire ?

Oui. Je crois qu'il ne connaissait pas mon histoire, mais le seul fait d'oser faire référence à l'extermination des juifs à propos de l'IVG était scandaleux. Et puis il y avait tant d'hypocrisie dans cet hémicycle rempli essentiellement d'hommes, dont certains cherchaient en sous-main des adresses pour faire avorter leur maîtresse ou quelqu'un de leurs proches !

Que ressentiez-vous personnellement au vu de cette Assemblée chahuteuse et déchaînée ?

Un immense mépris. Je crois d'ailleurs que les intéressés eux-mêmes auraient eu honte s'ils avaient pu s'entendre et se voir dans ce jeu de rôle bien malvenu et fort peu démocratique.

Avez-vous eu des moments de découragement ?

Non, il n'était pas question de perdre confiance et de se laisser aller. Tout cela me dopait au contraire, confortait mon envie de gagner. Et je pense que, en définitive, ces excès m'ont servie. Car certains indécis ou opposants modérés ont été horrifiés par l'outrance de plusieurs interventions, odieuses, déplacées, donc totalement contre-productives.

Il existe une image de vous sur les bancs de l'Assemblée, la nuque courbée, le visage près du pupitre et les mains sur les yeux. "Le moment où Simone Veil a craqué", dit souvent la légende de la photo.

Cela accréditait l'idée de la femme fragile... Eh bien non, je n'ai pas du tout le souvenir d'avoir pleuré. Il devait être 3 heures du matin, mon geste indique que j'étais fatiguée. Mais je ne pleure pas.

Comment s'est comporté Jacques Chirac pendant les débats ? Car, enfin, il n'avait pas voulu de cette loi !

Spontanément, il avait tendance à penser que l'avortement était, selon ses propres mots, une "affaire de bonnes femmes" qu'elles avaient toujours su régler entre elles. Mais à partir du moment où le projet de loi avait été adopté en conseil des ministres et déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, il lui importait qu'il soit voté, et son soutien a été total. Il m'a même fait une confiance étonnante pour décider du sort des amendements. Quand s'est posée par exemple la question du remboursement de l'IVG par la Sécurité sociale, je lui ai demandé comment agir. "C'est vous qui menez le débat, m'a-t-il dit. C'est vous qui sentez ce qu'il faut faire pour que le texte passe dans son ensemble." Et, sur ce point précis, je sentais qu'il valait mieux prévoir un autre système d'aide à l'intention des femmes en difficulté financière. Trop de députés de droite me semblaient hésitants ; des électeurs menaçaient de ne plus payer leurs cotisations de Sécurité sociale ; il fallait encore une fois se montrer pragmatique. Et il m'a laissé carte blanche.

La dernière nuit du débat, il a souhaité venir à l'Assemblée pour me soutenir. Je lui ai fait dire que ce n'était vraiment pas la peine. A 3 h 40, le texte était voté par 284 voix contre 189. Je suis rentrée chez moi en traversant la place du Palais-Bourbon où des égreneurs de chapelets m'attendaient pour me couvrir d'insultes. Et, à la maison, j'ai trouvé une énorme gerbe de fleurs de Chirac. (...)

Quand, en 1979, après la période probatoire de cinq ans prévue par la loi, se reposera la question de sa reconduction définitive, Jacques Chirac se prononcera contre, affirmant ne pas l'avoir votée en 1974 et ajoutant qu'elle cause "un tort considérable à notre pays et rend tout espoir de reprise de la natalité illusoire".

Il ne pouvait pas l'avoir votée puisqu'il était premier ministre !... Et, sur le fond, comment lui en vouloir d'avoir conservé son opinion initiale ? Il avait toujours été contre l'avortement, et il se sentait libre, désormais, de voter comme bon lui semblait. Peut-être subissait-il aussi l'influence de Michel Debré...

Notons cependant que l'argument nataliste était erroné puisque les études montrent une absence de lien entre législation sur l'avortement et natalité. Le taux de natalité en France a été très faible entre les deux guerres alors que la législation était très répressive. Aujourd'hui, avec une loi beaucoup plus libérale que dans la plupart des pays occidentaux, nous avons l'un des taux de natalité les plus élevés. (...)

Qu'avez-vous éprouvé à la fin de cette longue session ? Un sentiment de fierté ?

Non, pas de la fierté, mais une grande satisfaction. Parce que c'était important pour les femmes. Et parce que ce problème me tenait à cœur depuis très longtemps. Cela dit, je suis toujours stupéfaite de l'impact que ce débat a encore sur les jeunes générations. Oui, les gens s'en souviennent. Ou en ont entendu parler. Y compris à l'école. Lorsque je suis dans une file d'attente, il se trouve toujours quelqu'un pour me saluer et me dire gentiment : "Passez, vous n'allez tout de même pas faire la queue !" Et puis, au restaurant, dans la rue, certains viennent vers moi : "Merci pour ce que vous avez fait pour les femmes." La constance de cette reconnaissance m'étonne toujours.

C'est parce que cela reste une étape importante dans l'histoire des femmes.

Oui, bien plus que je ne l'aurais cru.

Et cela vous touche ?

Oui, mais je continue de penser que la loi Neuwirth autorisant la pilule est beaucoup plus importante par sa portée historique et philosophique, même si on ne lui accorde pas le même poids symbolique. (...)

Croyez-vous en la solidarité féminine ?

Oui, j'y crois beaucoup. Sur les questions essentielles de la vie, les femmes sont spontanément solidaires. Cela n'exclut pas des rivalités dans la vie professionnelle, mais le réflexe d'entraide est le plus naturel. Je l'ai maintes fois constaté. J'ai toujours aimé travailler avec des femmes. (...)

Est-ce la conscience commune de discriminations et traditions pesantes ? Est-ce la certitude de partager une échelle de valeurs différente de celle des hommes, avec d'autres priorités, d'autres comportements, d'autres centres d'intérêt ? Les femmes, c'est un fait, ont une réelle facilité à vivre ensemble.

Après le scandale des "juppettes", qui avait tant choqué les Françaises - vous vous souvenez de ces femmes ministres exclues en bloc du deuxième gouvernement Juppé -, j'ai fait partie d'un petit groupe de femmes qui s'est régulièrement réuni pour promouvoir la parité sur le plan électoral. Nous étions dix, cinq de droite, cinq de gauche, toutes anciennes ministres, et c'était extrêmement amical. Nous évoquions librement tous les sujets, on riait, on s'amusait beaucoup.

Nous avons rédigé un manifeste qui a été publié dans L'Express peu avant l'élection présidentielle de 1995, et les principaux candidats se sont engagés à modifier la Constitution pour pouvoir faire voter une loi instaurant la parité. (...)

Pensez-vous que les femmes exercent l'autorité et le pouvoir de façon différente ?

Oui, je le pense. L'observation est encore faussée par le faible nombre de femmes aux plus hauts postes de responsabilité et la nécessité qu'elles ont, pour forcer les barrages, de travailler davantage et de faire constamment leurs preuves. Mais je suis persuadée que les différences entre les hommes et les femmes sont une vraie richesse. Et, pour moi, l'exigence de plus grande présence de femmes dans les fonctions de pouvoir répond autant à la volonté d'enrichir la société d'idées, d'énergies et de talents différents qu'à un souci d'égalité.

Vous considérez-vous comme féministe ?

Oui. Je ne suis certes pas une militante dans l'âme. (...) Mais je me sens féministe, très solidaire des femmes, quelles qu'elles soient ; plus proche d'elles en général que des hommes, dont les réactions me paraissent souvent imprévisibles ; et très influencée par elles, effet probable de mon éducation, et de ma mère...

Je me sens plus en sécurité avec des femmes. Peut-être est-ce dû à la déportation. Au camp, leur aide était désintéressée, généreuse. Pas celle des hommes. Et la résistance du sexe dit faible y était aussi plus grande.

Oui, j'ai beaucoup plus d'affinités avec les femmes. Il est si facile de parler entre nous d'émotions, de sentiments, et de bien d'autres choses de la vie qui énervent souvent les hommes.

Les Hommes aussi s'en souviennent. De Simone Veil. Discours du 26 novembre 1974, suivi d'un entretien avec Annick Cojean. Stock. 118 p., 12 € .

Source : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3230,36-384894,0.html
Mis en ligne le 28/10/04

Pour commander ce livre, cliquez ici !

Partager cet article
Repost0
27 octobre 2004 3 27 /10 /octobre /2004 00:00

 

Féministes pour le « non » à la constitution

Appel lancé par le réseau européen Femmes et pouvoir, lors de l’assemblée européenne des droits des femmes (FSE de Londres), le 15 octobre 2004 (1).

Sans garantie des droits fondamentaux, il n’y a pas d’avenir pour l’Europe.

Le projet de constitution consacre l’orientation patriarcale et néolibérale de la construction européenne. Il entérine la subordination des femmes qui subiront plus encore la pauvreté, le chômage, le temps partiel imposé, la précarité,

Les retraites minimes ou inexistantes, le renforcement de toutes les inégalités professionnelles.

Les femmes exigent le droit au travail, des emplois sûrs et des salaires équitables.

Le projet de constitution prône la concurrence sans frein et acte le démantèlement des services publics, qui vise prioritairement la protection sociale et acte le transfert des responsabilités de l’État et des collectivités vers l’espace domestique. Nous avons besoin d’une Europe qui développe l’ensemble des services publics, notamment les services aux personnes, assumés majoritairement par les femmes.

Les femmes exigent que la protection sociale et sanitaire soit un secteur prioritaire et que des mesures soient prises pour permettre de concilier vie familiale et vie professionnelle.

Le projet de constitution prévoit un plan de défense commune en collaboration avec l’OTAN, avec pour conséquences le risque que l’Europe intervienne ou soutienne les guerres dans le monde entier. Il enjoint les États membres à contribuer davantage aux dépenses militaires. Nous avons besoin d’une Europe démilitarisée qui s’attache au réarmement social.

Les femmes exigent une politique européenne de prévention paritaire et qui refuse la guerre comme solution aux conflits internationaux.

Le projet de constitution prépare une Europe forteresse entravant la circulation des personnes, pénalisant, excluant et rejetant les personnes immigrées dans la clandestinité. Les femmes exigent une Europe qui garantisse la libre circulation des personnes, reconnaisse la citoyenneté pleine et entière à toute personne vivant sur le territoire de la communauté et ouvre le droit à l’asile politique pour les femmes victimes de violences sexistes. Le projet de constitution prône le droit au mariage et à fonder une famille, mais passe sous silence - hors les violences domestiques - les violences commises à l’encontre des femmes. Marqué par le refus d’harmoniser les droits à la contraception, à l’avortement, au divorce sur les législations les plus avancées, il est porteur de régression sociale.

Les femmes exigent la libre disposition de leur corps et le libre choix de leur orientation sexuelle. Elles veulent que les États reconnaissent la violence des hommes contre les femmes comme un problème de société et en assument le coût social.

Le projet de constitution prône la reconnaissance de l’héritage religieux européen, en privilégiant le dialogue avec les Églises. Il contribue à exclure le principe de laïcité du cadre juridique européen.

Les femmes exigent que la laïcité soit inscrite comme un principe de base de la constitution.

L’intégration, en dernière instance, de l’égalité hommes-femmes dans le chapitre des valeurs du projet de constitution ne garantit en rien l’exercice de ce droit, puisque l’unanimité est requise pour adopter les mesures nécessaires « pour combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou l’orientation sexuelle ».

Face à la mondialisation libérale, les revendications des femmes sont au coeur des luttes. C’est parce que nous voulons une Europe démocratique et solidaire que nous refusons l’évolution actuelle. Un « oui » favoriserait l’essor des populismes, des intégrismes et de l’extrême droite xénophobe tous fondamentalement sexistes.

D’ici à la fin 2005 le projet de constitution adopté par les chefs d’État, en juin 2004, sera ou ne sera pas ratifié dans l’ensemble des vingt-cinq pays de l’Union.

Mobilisons-nous pour créer un puissant mouvement féministe européen de refus de cette constitution et agissons pour construire une autre Europe, une Europe antipatriarcale, une Europe des droits économiques et sociaux, une Europe laïque, pacifique et antiraciste, une Europe de l’égalité entre les hommes et les femmes.

(1) L’appel s’adresse aux féministes, femmes et hommes qui les soutiennent à titre individuel ou au nom de leur organisation. Il peut être signé à l’adresse suivante : ife-efi@noconstitution.org

Source : http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-10-27/2004-10-27-448781
Mis en ligne le 27/10/04

Partager cet article
Repost0
25 octobre 2004 1 25 /10 /octobre /2004 17:00

 

Résolument féministe

Réunies à Paris, environ trois cents congressistes prennent position sur les enjeux de société, de la laïcité à la constitution européenne.

Bâtir « un mouvement féministe fort et puissant », une ambition affichée au congrès de Femmes solidaires, qui se tenait ce week-end à Paris. Revendiquant un réseau de 25 000 personnes et 153 comités locaux, l’association entend, selon la présidente Sabine Salmon, devenir « incontournable dans le paysage politique et féministe ». Elle veut se positionner sur les enjeux nationaux et internationaux. À une large majorité (dix abstentions), les congressistes se sont prononcées contre le projet de constitution européenne. « L’absence de certaines dispositions dans ce texte est inquiétante, a expliqué Sabine Salmon, tout particulièrement pour l’évolution des droits des femmes », ajoutant que cette constitution « considère l’égalité au second plan ».

Auparavant, la présidente a rappelé les « victoires » auxquelles son mouvement a contribué, comme l’allongement en France, en 2001, du délai de recours à l’interruption volontaire de grossesse, la libération de l’ex-députée kurde Leyla Zana et l’acquittement de la Nigériane Amina Lawal, condamnée à mourir par lapidation pour adultère aux termes de la loi islamique. Sabine Salmon, ainsi que de nombreuses intervenantes ont insisté, dans les séances plénières ou dans les ateliers, sur la pauvreté qui touche les femmes, les violences sexistes et conjugales, les viols collectifs, le mariage forcé, l’excision, la prostitution, le manque de places en crèches... Le congrès a été aussi le moment de préciser son orientation et ses perspectives pour les trois années à venir. Ainsi, les valeurs de « la laïcité, la mixité et l’égalité pour les droits des femmes » sont écrites noir sur blanc dans une charte nationale, devenue « la nouvelle carte d’identité de notre mouvement », souligne Sabine Salmon.

Femmes solidaires n’a pas failli à ses traditions internationalistes en invitant des militantes venues de Pologne, d’Algérie, du Vietnam, du Rwanda, de Palestine ou de Serbie. Une présence « essentielle », selon la présidente, estimant que « les luttes que nous menons dans nos pays respectifs sont importantes pour nous toutes et pour nos sociétés (...). Lorsque les droits des unes progressent quelque part dans le monde, cela encourage les autres à continuer ».

Sabine Salmon a été réélue présidente de ce mouvement, ex-Union des femmes françaises, né en 1945, et qui fêtera l’an prochain son soixantième anniversaire. À trente-quatre ans, elle poursuit le travail impulsé par « les grandes femmes, comme Eugénie Cotton, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Yvonne Dumont ou, plus récemment, par mon amie Sylvie Jan ».

Mina Kaci

Source : http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-10-25/2004-10-25-448544
Mis en ligne le 25/10/04

Partager cet article
Repost0
24 octobre 2004 7 24 /10 /octobre /2004 17:00

 

Elles s'aiment... en silence

Par Emmanuelle Tassé


Mensonges, surprotection de la vie privée, jeu de cache-cache... les lesbiennes font bien peu de bruit. Comment expliquer cet étrange silence? Bien des femmes que l'on devine homosexuelles demeurent muettes au sujet de leurs amours. À une époque aussi libre que la nôtre, cette discrétion teintée de crainte étonne, surtout si on la compare à l'exubérance de l'homme gai.

Tentons de comprendre...

Les chercheurs s'entendent pour dire qu'une personne sur 10 est homosexuelle. Et pourtant... Si l'orientation sexuelle des hommes est plus facilement identifiable, pouvons-nous vraiment reconnaître toutes les lesbiennes de notre entourage? Au petit écran? Parmi nos collègues? Hum... Encore faudrait-il qu'elles nous aident un peu. «Dans les faits, la plupart des lesbiennes se trouvent dans des professions très "féminisées": secrétaires, infirmières, enseignantes. Mais c'est en gardiennes de sécurité ou en policières qu'on les imagine le plus souvent, parce que c'est là qu'elles sont les plus repérables», fait remarquer Irène Demczuk, sociologue et co-auteure de Sortir de l'ombre (VLB, 1998).

Pour cerner le mode de vie des lesbiennes, il faut comprendre qu'elles sont femmes avant d'être homosexuelles. Elles sont par conséquent caractérisées d'abord par des valeurs et des traits féminins. «Le fossé entre la sphère publique et la sphère privée est encore grand pour la femme qui, on l'oublie souvent, sort de siècles d'enfermement et de retrait par rapport à l'homme», rappelle la sociologue.

Attachée depuis toujours aux valeurs familiales, aux sentiments et à la vie privée, la femme, par culture, ne s'affiche pas. Cela est particulièrement évident chez les homosexuelles qui, en bonne minorité invisible, vivent repliées sur leur milieu. «L'orientation sexuelle ne prime pas dans l'affirmation de l'identité, ajoute Irène Demczuk. En revanche, les hommes ont tendance à considérer leur sexualité comme partie intégrante de leur personnalité; ils n'hésitent pas à la mettre de l'avant. Le défilé de la fierté gaie est révélateur à cet égard: non seulement les femmes y sont peu nombreuses, mais elles préfèrent marcher discrètement sur le trottoir plutôt que de parader avec exubérance dans la rue.»

Sur le marché du travail aussi, la femme traîne encore loin derrière l'homme. Si l'homosexualité masculine est tellement répandue et affirmée dans le milieu artistique qu'elle semble aujourd'hui naturelle, les lesbiennes qui y évoluent continuent de se cacher. «Quand Daniel Pinard s'est ouvert aux médias, il a parlé de Jean-Louis Millette comme d'un soutien important. Quelle femme accepterait de jouer ce rôle pour les jeunes lesbiennes? Elles n'ont pas accès au réseau décisionnel, puisque ce sont des hommes qui occupent les postes de décision, et sont par définition exclues d'éventuels rapports de séduction avec eux... Dans ces conditions, il devient difficile de se faire ouvrir des portes et de prendre de l'assurance», ajoute la sociologue.


Hommes et femmes, deux univers

Un fossé semble séparer les hommes et les femmes de la communauté gaie et lesbienne. Mentalité, attitude, sexualité, ceux que l'on met si facilement dans le même sac n'ont souvent rien en commun. L'image convenue de l'homme gai (surtout citadin, attaché à l'apparence, adepte des aventures sexuelles, de la vie nocturne et préférant les petits chiens) tranche avec celle de la lesbienne vivant en couple, retirée à la campagne (avec un gros chien), à l'abri des regards, cultivant la terre et l'harmonie. Ces différences éloignent les lesbiennes des gais et expliquent en partie pourquoi elles ne profitent que très peu de l'avancée du mouvement gai. Elles ne vivent pas du tout leur situation sociale de la même façon.

«Dans les faits, la libération homosexuelle est à l'homme ce que la libération de la femme est à la lesbienne», souligne Johanne Gaudreault, chercheure en sociologie à l'Université Laval, qui s'est penchée sur le silence des homosexuelles. La décriminalisation de l'homosexualité, en 1969, n'a pas changé grand-chose pour les femmes: la loi ne spécifiait que la légalisation de la sodomie! Elles ont pourtant dès lors été associées à la gent masculine gaie. Mais bien malgré elles.»

Qui suis-je?

L'image pornographique de la lesbienne ne favorise pas son épanouissement non plus. «Si la femme en général place l'amour et les relations humaines au c¦ur de sa vie, la lesbienne est forcément choquée, et même traumatisée de se voir dans n'importe quel film érotique. La rue Sainte-Catherine, à Montréal, étale partout des photos de couples de femmes en situation sexuelle», s'insurge Irène Demczuk, qui voit là le seul reflet que les lesbiennes ont d'elles-mêmes. «Cette image interfère beaucoup avec la construction d'une
identité lesbienne positive.» L'image de la butch dure et masculine peut également faire honte à celles qui ne s'y reconnaissent pas du tout.

Les magazines féminins ne comblent pas ce manque de références et de repères. Non seulement on y parle fort peu de lesbianisme, mais les lesbiennes ne peuvent s'identifier aux sujets traités ou aux mannequins. «Je n'achète jamais ces magazines. La mode et le maquillage m'indiffèrent. Ce sont les voitures à quatre roues motrices et les motoneiges qui me font vibrer. Ne cherchez pas: nous n'en avons pas, de modèle social», dit lucidement Johanne Gaudreault, elle-même lesbienne. «C'est en arrivant à l'université que j'ai constaté à quel point nous n'existions pas; j'avais beau me documenter, je ne trouvais aucune trace de nous», se rappelle Claudette Savard, psychothérapeute. Force est de le constater: d'un point de vue légal, même le Code civil présume que tout le monde est hétérosexuel...

L'enfer du mensonge

C'est donc dans la peur d'être découverts que bien des couples de femmes construisent des remparts de mensonges autour de leur relation amoureuse. Parler de sa compagne au masculin (jusqu'à changer son prénom!), prétendre parler à un homme au téléphone au cas où on écouterait la con- versation, flirter outrageusement les maris des collègues, se présenter seule ou avec un bon ami aux mariages, aux partys ou même à la soirée des Métrostars est pratique courante. Mentir à ses parents de peur d'être rejetée, à ses enfants pour ne pas les perturber, à son patron de peur d'entacher sa crédibilité professionnelle, à son médecin pour ne pas être mal vue, tout cela aussi se voit fréquemment.
Quand la famille débarque à Noël, bien des amantes redeviennent «colocataires» et font chambre à part; les photos du couple sont soigneusement rangées au placard le temps d'une soirée, les récits de vacances et les gestes tendres aussi. Même l'électricien et l'agent du recensement ont droit à ce genre de mise en scène. La crainte de révéler qui elles sont réellement pousse certaines lesbiennes à mépriser ouvertement l'homosexualité, espérant ainsi écarter les soupçons qui pèseraient sur elles.

«Le mensonge au quotidien devient une deuxième peau, un mode vie malsain, affirme Claudette Savard, qui travaille avec des lesbiennes en mal d'affirmation. On entend souvent que les couples homosexuels ne tiennent pas longtemps, mais qui s'épanouirait dans ces conditions? À force d'être cachées, on ne sait plus qui l'on est. Il faut toujours se regarder avec assurance, estime et fierté.» Même le mot «lesbienne» dérange, déplore Mme Savard. C'est la poétesse grecque Sapho, explique-t-elle, qui a donné son origine au nom. Elle vivait sur l'île de Lesbos au VIIe siècle av. J.-C. et écrivait des poèmes d'amour à d'autres femmes. «Quoi de plus poétique? demande-t-elle. Malgré cela, bien des femmes réagissent vivement à cette appellation et refusent de se désigner comme telles.»

«On ne dissimule rien; on ne révèle pas franchement la nature de la relation, c'est tout. Les gens ne nous posent pas de questions, sans doute parce qu'ils savent très bien ce qui en est. Nous interprétons cela comme une forme de respect. Nous ne ressentons aucun ostracisme, jamais de moquerie non plus»

Rationnaliser à tout prix, autre mécanisme de défense, permet de trouver tout un tas de raisons de ne pas s'ouvrir aux autres: certaines se rassurent en se disant que c'est une attirance temporaire, d'autres se convainquent que leur orientation sexuelle ne regarde personne. C'est un peu l'option qu'ont choi- sie Laurence et Marcelle, qui s'aiment d'amour depuis 20 ans. Elles ne font pourtant pas partie de celles qui vivent cachées. Elles ne souffrent pas non plus: nuance de taille. Non, elles s'aiment tranquillement sans définir officiellement la situation auprès des collègues et de la famille. Mais leur entêtement à garder le silence demeure révélateur. C'est ce qu'on pourrait appeler un semi-tabou.

Si vous leur demandez, à ce stade-ci de leur vie et après toutes ces années d'union, pourquoi elles n'en parlent pas ouvertement, elles vous répliqueront: pourquoi ne le garderaient-elles pas pour elles? «On ne dissimule rien; on ne révèle pas franchement la nature de la relation, c'est tout. Les gens ne nous posent pas de questions, sans doute parce qu'ils savent très bien ce qui en est. Nous interprétons cela comme une forme de respect. Nous ne ressentons aucun ostracisme, jamais de moquerie non plus», explique Marcelle qui a malgré tout attendu d'avoir 50 ans pour dire la vérité à sa mère, histoire de ne pas avoir de regrets.

La réaction de la dame? Non seulement le savait-elle déjà, mais elle a profité de l'occasion pour parler de l'homosexualité de son propre frère! «Ma famille a toujours aimé Laurence. Cela n'a rien changé. Elle est toujours la bienvenue. Cela dit, nous faisons toujours chambre à part quand nous allons dormir chez mes parents: la limite est là!» Quand les frères de Laurence ont su, à la fin de sa quarantaine, que leur s¦ur était lesbienne, ils étaient contents pour elle que son couple fonctionne bien. Bref, cela n'a rien changé. Voilà qui remet en question la pertinence de toutes ces cachotteries...

Peurs fondées ou pas?

«C'est comme être très belle, ou très laide; si on s'assume, on accepte le regard des autres. S'ouvrir, c'est lever le voile», remarque Claudette Savard, qui reçoit des appels et des lettres de femmes en détresse de la Gaspésie, du Bas-du-fleuve, de la Côte-Nord, de l'Outaouais, etc. Il ne faut surtout pas, d'après elle, entretenir la peur en lui trouvant mille et une justifications. De la simple pudeur à la culture de la cachette, il y a un monde: «Quand une fille met des années à entamer le dialogue avec ses parents, elle constate le plus souvent avec stupéfaction qu'ils connaissaient depuis longtemps son orientation et n'avaient jamais songé à moins aimer leur fille pour autant», dit-elle.

Elle recense par ailleurs de nombreux cas d'enseignantes qui dissimulent de façon obsessionnelle leur vie privée de peur qu'on les empêche de travailler avec des enfants, ou encore des cas de mères lesbiennes qui craignent de perdre la garde de leurs enfants en cas de séparation — ce en quoi elles n'ont pas tort: les tribunaux demeurent réticents devant l'homosexualité des parents.

Certaines d'entre elles remettent même en question leurs compétences maternelles: que deviendront des enfants élevés par deux femmes? «Moi je le sais: je l'ai fait, rétorque Claudette Savard. Avec ma conjointe, nous formons une famille proche, équilibrée et authentique. C'est vrai, mes enfants ont déjà souffert de ma différence. Ma fille m'a rejetée à l'adolescence, mais elle a fini par me dire avec regret qu'elle avait perdu un temps précieux.» L'essentiel de la solution résiderait donc dans l'attitude. Il arrive pourtant que, même en marchant la tête haute, on rencontre un mur...

La sociologue Irène Demczuk en veut pour preuve le cas d'Ellen Degenerees, comédienne à la télé américaine qui, il y a quelques années, a osé «sortir du placard» dans sa propre émission. Elle ne s'est décidée à le faire qu'après 20 ans de métier, c'est-à-dire une fois très connue et sa réputation très bien établie auprès du public. «Elle avait orchestré le tout. En grand. Mais elle a payé cher son audace: un mouvement religieux de droite a milité pour que son émission soit retirée; un an plus tard, elle l'était.» Si le gros du public l'ignore, on sait depuis longtemps, dans le milieu lesbien, qui sont les comédiennes, animatrices et chanteuses lesbiennes, jolies et féminines, qui continuent de se présenter comme célibataires ou de demeurer très secrètes au sujet de leur vie privée. «Elles craignent d'être ostracisées, stigmatisées. Surtout les actrices, qui ne veulent pas hériter systématiquement de rôles de lesbiennes», observe Irène Demczuk.

Le malaise est d'ailleurs palpable dans le monde du travail dès qu'il s'agit d'homosexualité féminine. Dans de grosses compagnies, des responsables des ressources humaines et des représentantes d'ordres professionnels n'ont guère apprécié qu'on leur pose des questions à ce sujet dans le cadre de la préparation de cet article, assurant sèchement qu'il n'y avait jamais la moindre discrimination à l'embauche, sans souhaiter poursuivre la conversation.

Danièle Julien, professeure de psychologie à l'UQAM, voit plutôt la menace du côté de la violence verbale ou physique faite aux gais et lesbiennes, et dont les exemples abondent dans les diverses recherches menées sur l'homosexualité. «Ils ont tous dû affronter ce problème au moins une fois, surtout en milieu scolaire, et se replient spontanément sur eux-mêmes par mesure de protection, note-t-elle. Moi qui fais de la recherche sur l'homosexualité tout en étant hétéro, je me sens déjà différente dans le regard de l'autre. Je comprends que s'afficher demande beaucoup de courage.»

À la Commission des droits de la personne, un nombre constant de plaintes sont déposées chaque année par des homosexuels pour cause de discrimination: une trentaine, soit environ 3 % de l'ensemble des dossiers. Des exemples? En milieu de travail: congédiements, mutations forcées, harcèlement. Dans la vie privée: refus de service ou de logement, ou même d'accès à un terrain de camping! En 1998, 16 plaintes ont été déposées par des hommes et 15 par des femmes. La discrimination existe bel et bien.

Le malaise est d'ailleurs palpable dans le monde du travail dès qu'il s'agit d'homosexualité féminine. Dans de grosses compagnies, des responsables des ressources humaines et des représentantes d'ordres professionnels n'ont guère apprécié qu'on leur pose des questions à ce sujet dans le cadre de la préparation de cet article, assurant sèchement qu'il n'y avait jamais la moindre discrimination à l'embauche, sans souhaiter poursuivre la conversation. Seule Josanne Lavallée, adjointe à la direction des ressources humaines de Radio-Canada, a expliqué que l'homosexualité masculine était non seulement ouvertement admise dans l'entreprise, mais recherchée dans les domaines artistiques, alors que les lesbiennes de l'établissement ne s'identifiaient pas officiellement.

À petits pas... de femme

La situation des lesbiennes n'est pourtant en rien comparable à ce qu'elle était il y a 20 ans, époque où le phénomène «n'existait même pas». Le tabou faiblit sans cesse. Des couples d'adolescentes se tiennent la main dans la rue en toute liberté, les rôles d'homosexuels se multiplient au petit écran dans différents téléromans prisés par les jeunes (4 et demi, Watatatow, Virginie, etc...) et font à la fois figure de source d'information et de modèle social. Les débats, les émissions qui parlent de sexualité à la radio comme à la télé participent à cette évolution. «Notre société individualiste encourage l'expression des différences et, du même coup, leur acceptation sociale, observe la chercheure Johanne Gaudreault. Le recul radical de la religion et l'éclatement de la famille ont libéré la femme de son rôle procréateur, lui permettant d'exercer d'autres fonctions.»

CHEZ LE MÉDECIN
L'étonnement d'une madame Tout-le-monde lesbienne est immense face à l'ignorance de son médecin, omnipraticien ou gynécologue, à qui elle demande des renseignements sur le préservatif pour doigt, destiné à protéger des maladies transmises par les sécrétions sexuelles, ou sur la digue de latex pour fins de cunnilingus (qui, soit dit en passant, est hors de prix pour un usage courant: environ 5 $ pièce!). «En plein centre-ville, les infirmières de CLSC ne savent rien sur la sexualité des lesbiennes. Même Séro Zéro ne sait pas grand-chose au sujet des femmes. Alors imaginez le degré de connaissances des spécialistes de la santé en banlieue ou en région, où la clientèle ouvertement lesbienne est nettement moins nombreuse. Les lesbiennes sont prisonnières de cages de solitude dont elles ne savent comment sortir», affirme Claudine Metcalf, journaliste à Sortie gaie.

Toutes deux à la fin de la trentaine, Zig et Pomme (surnoms attribués par discrétion) symbolisent ce progrès. Elles se souviennent de leurs 16 ans, lorsqu'elles pensaient être seules sur terre à désirer les filles. Mais aujourd'hui, installées en banlieue dans une maisonnette avec piscine, corde à linge et cabanon au fond du jardin, elles ressemblent à n'importe quel couple. Sans provocation aucune, elles vivent leur relation au vu et au su de leurs voisins, de leurs collègues et de leurs familles. Elles ont dit la vérité à leurs parents au début de la vingtaine et n'ont jamais été reniées pour autant. «De façon générale, nous sentons plus d'incompréhension que d'hostilité. Les gens pensent souvent que l'homosexualité est un choix, mais ce n'est pas grave. Quand on ose aller au-delà de la peur irrationnelle d'être rejetée, on se rend compte que la plupart des gens se moquent de savoir comment vit l'autre», dit Zig en caressant son golden retriever, tranquillement assise sur sa terrasse. «C'est à chacune de nous de prendre sa place et de faire son histoire, ajoute Pomme. Tant que nous n'aurons pas de passé, pas d'existence, pas de références, l'avenir se dessinera difficilement.»

Au Québec, 20 % des lesbiennes élèvent des enfants. Nathan en est. Né d'un père absent, il vit, à 10 ans, entre Audrey, sa mère, et Émilie, la «copine» d'Audrey, qu'il considère sans honte comme sa seconde maman. Tous trois forment une famille avant-gardiste, bien qu'ignorée par la loi et les institutions. Ni l'école ni le voisinage n'affiche d'hostilité, mais leurs familles respectives ne considèrent pas Émilie comme parent officiel de Nathan. Seulement comme conjointe, seul statut légal auquel elle a droit dans notre société. Émilie ne peut signer aucun papier administratif concernant l'enfant, ce qui peut s'avérer très problématique en milieu scolaire, ou à l'hôpital en cas d'urgence. Et si elle se séparait d'Audrey, elle n'aurait aucun droit de visite.

Au Canada, seule la Colombie-Britannique accorde aux couples homosexuels les mêmes droits qu'aux hétérosexuels en ce qui concerne la garde des enfants, peu importe que les parents soient biologiques ou pas. Dans les autres provinces, les gais et lesbiennes n'ont pas accès à l'adoption. Cela dit, une femme célibataire peut adopter des enfants issus de certains pays (Chine, Viêt Nam, Haïti, Mexique), ce qui représente un dossier sur 10. Une femme seule peut être inséminée aux États-Unis, mais pas encore au Québec. Il suffit cependant de se présenter en clinique avec un prétendu conjoint infertile, et le tour est joué...

Élisabeth et Sylvie ont deux petits garçons, Jonathan et Joffrey. Leur vie familiale ressemble à celle de toute famille «normale». Les devoirs, le souper, les bains, l'histoire... Comme tous les parents du monde, les mères lesbiennes se soucient davantage du confort et du bonheur de leurs enfants que des théories et des statistiques! «Je ne veux pas banaliser notre famille, dit Élisabeth, mais je refuse de la marginaliser pour autant. Comment seront, sous le rapport de la stabilité et de l'identification, nos enfants dans 20 ans? Je l'ignore. Mais demande-t-on aux hétérosexuels de toujours rendre compte de leurs choix quant à l'avenir de leurs enfants?»

Source : http://www.alterheros.com/francais/dossier/Articles.cfm?InfoID=174&ss=j

Partager cet article
Repost0