Sérénité
Te souvient-il encore, ô ma chère compagne,
De ces soirs de juillet dont la molle clarté,
Défiant la splendeur du somptueux été,
S'étendait longuement sur la chaude campagne ?
Les reflets du couchant lentement se fanaient
Dans la coupe du lac. Et ses mourantes teintes,
Tel un bouquet défait de pâles hyacinthes,
Une à une, au linceul de l'eau s'abandonnaient.
C'était l'heure où, quittant la maison toujours pleine,
- Ruche sans nul repos - de murmures humains,
A pas lents, toutes deux, nous prenions les chemins
D'ombre et de solitude allongés sur la plaine.
L'orgueilleuse rumeur du jour laborieux
En un ruissellement de paix s'était dissoute.
Le silence léger s'infiltrait goutte à goutte
Dans les veines du monde, ardent et soucieux.
Graves, nous nous taisions. Et nos sourdes pensées,
Plus que nos pas égaux dans le même sentier,
Nous rapprochaient. Le temps, ainsi qu'un long collier,
Glissait rapidement entre nos mains pressées.
Dans l'ombre fauve, autour de nous, plus un seul bruit.
Plus rien, rien que nous deux, l'esprit fier, l'âme immense,
Et les sens libérés par ce double silence
Où nous errions sans but jusqu'au seuil de la nuit.
Nous sentions notre coeur grandir avec l'espace
Et battre à l'unisson du rythme universel.
Et pour ne point troubler cet instant solennel,
Nous revenions alors en parlant à voix basse.
Jacqueline Francoeur, Aux sources claires (1935), in Anthologie de la poésie des femmes au Québec des origines à nos jours, Les éditions du Remue-ménage, Nicole Brossard & Lisette Girouard, 2003.
Photgraphies : auteur(e) inconnu(e)