Si j’étais immigrante
J’aurais pour parler le langage des mots utiles,
Je voudrais dire mais ne dirais rien.
vers mon îlot de ville. Près des miens, je serais bien.
Près d’eux, pas besoin de rien.
Pas besoin de serrer les poings, ...voyez, comme en ce moment.
Si j’étais immigrante, les miens à dire vrai,
Je voudrais abolir. La petite vie à la petite semaine,

Si j’étais immigrante, je claquerais des dents et je hurlerais,
Rien ne sortirait, ...voyez, comme en ce moment.
Personne ne m’a pourtant dit de me taire.
Mais quand on vient d’ailleurs, on se ferme simplement.
La tradition est millénaire.
On fait comme il se doit. Naturellement.
Si j’étais immigrante
Je maudirais le conflit qui s’abat en moi.
Suis-je d’ici, d’ailleurs ou de nulle part ?
Ai-je mon mot à dire ?
À quoi servent les présidents ? Le droit de vote, l’internet et la télévision ?
Si j’étais immigrante, je n’aurais pas le verbe hurlant.
Mais sans crier gare, j’avancerais,
J’avancerais quand même.
Bon sang, mauvais sang !
Voyez, comme en ce moment !
Poème de France Bonneau
Photographies : Gianni Candido