OU ALLONS-NOUS
Oh ne t'y trompe pas toi qui sais ma blessure
toi qui palpes la plaie ouverte de l'enfant
qui perçois la plainte toujours à contre-chant
marque au fer rouge sais-tu n'est pas flétrissure
mais stigmate d'âme qui ne se rendit point
aux jeux du casse-pipe enjeux à coups de poing
au mâlement viril héros de ces bavures
qui toute honte bue et par guerres et paix
argue du génocide en parfait foutriquet
force notre univers à d'insolents parjures
se gausse de la femme qu'il craint en secret
depuis que le prophète a rendu ses arrêts
juché sur le perchoir d'éternelle nature
sur ses ergots dressé tel ce coq cabotin
en mal d'autorité le gaulois calotin
se targue de splendeur dans la mâle posture
la femme en esclavage à l'homme se soumit
à l'ombre de son maître elle devint fourmi
et tut la majesté de la noble imposture
partout en galaxie le racisme fleurit
filles canines femmes gélines bécri
du viol de la violence coq fit pâture
il ne sentit plus mais n'ouvrit pas le bec
la queue chancie d'un paon ou plutôt d'un blanc-bec
il déploya céans mythe d'une gageure
d'un plumage mité se para nonobstant
mésusa de la trame aux truismes à l'encan
s'empara de la foudre et clama l'envergure
de l'aigle impérial pour dérober l'essor
aux vaillants combattants qui discutent du sort
de ceux se massacrant sous leurs propres augures
Ô vainqueurs arrogants planqués contre le flanc
de l'aveugle Taureau crachotant et soufflant
héros à deux phallus et bovine figure
phallus de chair d'acier cataplutant la mort
colts and Co tous voués à même malemort
ruminante face que rien ne transfigure
grisaille ensanglantée de cadavres meurtris
de trophées trop exquis et de fange flétris
où gît la vérité dans ce tas de souillures
femme entre les femmes et sphinge de surcroît
je quêterai patiente inerme et sans effroi
les gemmes qui luisent dans les ternes ordures
je plierai la magie à l'éveil séculier
pour nous le portail s'ouvre au temple familier
l'alchimie de l'amour nous servira d'épure
femmes nous construisons notre espace vital
nous obstinées fourmis oeuvrons dans le cristal
du passé millénaire où les comptes s'apurent
Jeanne Talbot-David, Les Délices de Pradoux, Poèmes, Les Editions Geneviève Pastre, Collection les Octaviennes, Paris, 1995.
Photographie : Gabina