De la journaliste franco tunisienne, Fériel Berraies Guigny. Paris
«La fiancé syrienne » une production franco-germano-israélienne, réalisé par Eran Riklis et Suha Arraf. Un film coup de cœur à découvrir absolument...
Résumé du film: Le mariage de Mona , est le jour le plus triste jour de sa vie. C’est aujourd’hui que cette jeune fille d’origine druze, doit épouser une vedette de la télévision syrienne. Elle devrait être heureuse mais elle ne le peut pas ; car elle sait qu’une fois entrée en Syrie, où l’attend son futur mari, elle ne pourra plus jamais revenir chez elle, dans son village natal dans le Golan occupé par Israël depuis 1967. Et ainsi elle ne pourra plus revoir sa famille… Dispersée dans les quatre coins du Globe, ses proches se retrouvent dans ce petit village coupé du bout du monde pour fêter l’évènement et faire leurs adieux à la future mariée. Mais l’absurdité de la bureaucratie et la haine entre les deux pays ennemis, obligent bientôt la famille à attendre indéfiniment au poste de frontière, coincée quelque part entre Israël et la Syrie.
Ce drame psychologique sorti en 2005 sur les écrans européens et américains et actuellement en France sous visionnage dans les salles privées, nous montre toutes les difficultés du mariage transfrontalier quand deux Etats voisins sont en guerre. A l'occasion de cet événement familial, Eran Riklis nous fait découvrir la situation des familles druzes ayant perdu leur nationalité syrienne, mais pas leur identité qu'elles revendiquent. Le mariage est célébré un jour de manifestation contre l'occupant, en faveur du régime syrien, et les deux événements se mêlent. Etrange mariage que celui-ci, en l'absence du fiancé qui, lui, va venir attendre sa jeune épouse à la frontière. Mais cette journée permet des retrouvailles familiales qui nous font découvrir des personnalités bien différentes et bien typées : le père ( Makram Khoury, le vrai père de l’héroïne dans la vie) a fait de la prison pour ses positions prosyriennes et reste très attaché aux valeurs traditionnelles ; le frère Amin ( Adnan Tabshi), faiseur d'affaires, et qui nage dans l'embrouille permanente, sur les plans professionnel et affectif ; un autre frère Marwan ( Ashraf Barhoum), parti en Russie où il a pris femme et se voit rejeté par son père pour cette "trahison" ; la soeur aînée Amal ( Hiyam Abbas), mal mariée, qui encourage Mona à prendre en mains son destin et s'apprête à le faire pour elle-même ; Mona enfin qui semble si hésitante sur son devenir et sur le bien-fondé de sa décision. Lorsqu'à la frontière se déroulera le va et vient tragi-comique du passeport de Mona, on finira par découvrir cette dernière enfin déterminée à assumer son choix.
Ce film nous donne également un aperçu de l’expansionnisme israélien qui sous prétexte de faire respecter les règlements, en vient encore une fois à perdre son humanité. Un patchwork social intelligent qui a réunit une réalisatrice palestinienne aux côtés d’un israélien déterminé à donner la version authentique des choses. Le Réalisateur israélien Eran Riklis, est en effet un habitué des sujets en rapport avec les problèmes des frontières. En 1998 avec son documentaire Borders, il abordait déjà les problèmes liés aux frontières d'Israël et notamment les mariages entre individus habitant de part et d'autre de la ligne de démarcation entre Israël et la Syrie. Ayant sympathisé avec une des familles concernées, l'idée lui est venue d'en faire une fiction pour laquelle il s'est associé à une scénariste d'origine palestinienne, Suha Arraf. Cette jeune réalisatrice nous explique en effet comment sa rencontre avec Eran Riklis s’est faite « Quand Eran Riklis, réalisateur du film, a fait appel à moi, j'ai immédiatement compris qu'il avait le désir sincère de raconter une histoire en en montrant toute la réalité. En l'occurrence, il s'agit de la réalité de la minorité druze, qui vit sous un régime d'occupation depuis 1967, de celle de l'oppression sociale des femmes au nom de la religion et de la tradition – et il s'agit en fait aussi de ma propre histoire, de ma propre oppression en tant que femme palestinienne vivant dans un monde répressif – sur le plan social et politique – et en tant que membre de la minorité palestinienne vivant en Israël. Le fait qu'un cinéaste israélien et moi-même aient pu collaborer à l'écriture du scénario a permis de réunir deux auteurs issus de mondes différents et de porter un regard inédit sur notre cinéma. ».
« La fiancé syrienne » nous révèle toute l’étendue de notre avancée sociale en Tunisie, s’agissant de la femme et tout ce qui reste encore à obtenir pour beaucoup de pays moyen orientaux. Cette satire sociale, nous révèle plusieurs visages de la société arabe, tiraillée entre tradition et modernité, liberté et tabous. On voit l’affrontement constant entre féminisme et hypocrisie sociale masculine, se réfugiant dans un système patriarcal de plus en plus obsolète. La fiancée Syrienne peut donc être interprétée de mille façon, soit on peut y voir un drame psychologique familial, une allégorie de la bureaucratie de guerre, ou un message politique clair et net. A vous de juger…