Homophobie : Les enseignants libres de discuter de la question
La Tribune
Sherbrooke
Actuellement, rien dans le Programme de formation de l'école québécoise n'oblige les enseignants à aborder l'homosexualité dans leurs cours. Et quand ils s'y frottent, ils en entendent parfois de toutes les couleurs...
De "pousse-crotte" à pédophile, Philippe De Carufel, intervenant en prévention chez Iris-Estrie, pourrait énumérer longuement les horreurs qu'il entend. Lorsqu'il rencontre les élèves, il en profite pour détruire un à un les préjugés qu'ils lui lancent.
Mais il ne voit pas que du mauvais dans ces rencontres de démystification. Il cite un jeune homosexuel bien accepté par ses pairs; un autre qui s'est senti assez en confiance au cours de l'atelier pour dévoiler son orientation, de même que deux adolescents qui se sont excusés à un camarade homosexuel de ce qu'ils lui avaient fait vivre. Il s'agit d'un des objectifs: faire comprendre aux jeunes l'impact des mots comme "maudites tapettes" ou "fif".
Président de l'Association des gais et lesbiennes de l'Université de Sherbrooke (AGLEBUS), Philippe Doss a déjà écrit une note à son enseignant au bas d'un examen pour lui dire de cesser de parler d'homosexualité s'il en était incapable. "Je me rappelle que le prof en parlait beaucoup, mais les gens disaient: on parle encore des maudits gais! Il ne mettait pas ses culottes, les étudiants dénigraient les gais à n'en plus finir, et lui continuait à dire son truc..." Pierre-Luc Poisson se souvient pour sa part que son prof avait amené la question de façon très négative.
Psychoéducatrice au Séminaire Salésien, Sophie Jobin dit se sentir à l'aise d'aborder la question dans ses cours. Rappelons que le cours de formation personnelle et sociale a disparu en septembre dernier. Au ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, on explique que les notions ont été intégrées à d'autres cours. Une dissertation en français peut porter sur le sida ou les MTS, donne-t-on en guise d'exemple.
Mme Jobin souligne qu'au premier cycle, il s'avère difficile d'en discuter, puisque les jeunes ne sont pas prêts à en entendre parler. Elle met donc davantage l'accent auprès des élèves de secondaire quatre et cinq. Elle outille aussi "Les entraidants", un groupe de jeunes sensibilisés à diverses problématiques et pouvant intervenir auprès de leurs camarades, pour lutter contre l'homophobie.
Philippe Doss croit que l'on doit aller plus loin. Quand voit-on des livres d'histoire mettant en scène les amoureux Nicolas et John plutôt que John et Sophie? Mme Jobin y voit là un défi d'enseignement: "Il faut être sensible au fait de ne pas orienter notre discours..."
Le meilleur remède, croit Philippe, serait que les gens côtoient les personnes homosexuelles. Ainsi, leur concept ne serait plus rattaché aux préjugés qu'on véhicule, mais bien à un individu.
Par ailleurs, selon Laurent McCutcheon de Gai Écoute, seulement 42 pour cent des écoles estriennes diffusent les coordonnées de l'organisme (dont le numéro de la ligne téléphonique dans les agendas).
Source : http://www.cyberpresse.ca/article/20060531/CPACTUALITES/60531040/5450/CPACTUALITES