L’homophobie au quotidien
Simon (*) s’est révélé gay il y a quinze ans. Il a désormais acquis le recul nécessaire sur sa préférence sexuelle. A ses yeux, même si la société se veut plus tolérante qu’avant, l’homophobie rampante ne diminue pas significativement. Elle pèse encore parfois lourd sur l’existence. Rencontre.
“Un jour, j’ai embrassé mon copain sur le quai de la gare. Après il est monté dans le train. Et moi je suis resté sur le quai...” La suite, banale, des regards plus qu’insistants. De la pure homophobie, même si elle ne saute pas aux yeux. Simon, assistant social, ne se fait pas lyncher, cracher dessus à longueur de temps, certes. Oui, des histoires glauques sur les lieux de drague réunionnais, il en connaît, qui finissent plus ou moins mal. Mais l’homophobie ne s’arrête pas au “cassage de PD”.
Discrimination imposante au boulot
“Simon, je n’aime pas trop que tu sois derrière moi !”, “Ah bé ça, c’est pas une choucroute de PD !”, “Alors toujours pas marié, il y a pourtant de jolies filles par chez toi ?” : un panel des interventions de trop, pesantes à force, et qu’il exècre, malgré leur ton rigolard. Ce jeune homme de 33 ans, boule à zéro et installé à la Réunion depuis cinq ans, préfère qu’on le “traîte de salé PD” plutôt qu’on ne le salue pas le matin. “Un regard est plus violent qu’un acte physique”, confie t-il, le ton assuré. Forcément, les hétéros ne peuvent pas mesurer l’ampleur de l’homophobie. Et pourtant, elle se manifeste régulièrement. Combien de fois entend-on “Il faut que je te présente François, mon copain homo” ? Et voilà, la personne en question est identifiée sur sa préférence sexuelle. Au boulot, “non seulement je suis zoreil mais en plus je suis PD”, lâche Simon, sèchement. C’est là qu’il ressent la discrimination la plus nette, par le comportement et les attitudes : “J’ai été obligé de m’affirmer professionnellement pour que ça prenne le pas sur l’étiquette sexuelle. Jusqu’au jour où je suis allé me confier à ma chef de service”. Visiblement, la tolérance à l’égard des homos est loin d’être acquise. “Ce n’est pas normal qu’on s’étonne de l’homosexualité de quelqu’un. On la considère encore comme quelque chose de grave. Certains interprètent l’homosexualité comme une maladie. Et pourtant généralement on a de la compassion pour les malades”, s’insurge Simon. Du coup, face à une “tolérance qui a peu évolué” depuis 15 ans, les homos se réunissent et le justifient. “La formation des ghettos n’a lieu uniquement parce qu’on a besoin de se retrouver, se rencontrer”. A 15 ans, les établissements gays ont permis à Simon de sortir de sa solitude, dans une période de transition douloureuse. “C’est là que j’ai pu assumé ce qui m’arrivait. J’ai réalisé que je n’étais pas seul”. A l’époque, il aurait volontiers “pris la potion magique” pour rebasculer vers l’hétérosexualité. Maintenant, malgré “des moments difficiles” il assume sans difficultés. Il a choisi de se montrer à l’aise “pour être moins vulnérables aux homophobes”. Il ne va pas pour autant “rouler des grosses pelles à son mec à la caisse du supermarché”. Même si parfois, il casserait volontiers les barrières de la décence. “Pour me venger de ce que je subis, pour rééquilibrer la balance”.
Damien Frasson-Botton
(*) nom d’emprunt
“SOS homophobie” publie son rapport annuel
Celui-ci constitue le seul outil d’analyse quantitative et qualitative de l’homophobie en France. Le rapport met l’accent sur plusieurs points. A noter qu’en France, tous les trois jours, un (e) homosexuel (le) est victime d’une agression physique. D’autre part les milieux professionnels et la famille restent ceux les plus touchés par l’expression de cette hostilité. Les témoignages de “mal de vivre” connaissent une progression inquiétante : on ne vit pas mieux forcement son homosexualité en 2006 que précédemment. Enfin, la toile s’est transformée en boulevard anti-homos, les propos les plus virulents y circulent. source : http: //www. sos-homophobie. org/
La Réunion prisée par les clients d’Attitude Travels Stéphane Loiselier, directeur commercial d’Attitude Travels (signataire de la charte Gay Friendly) ne cache pas son enthousiasme, il est très heureux qu’on lui demande à nouveau la destination depuis quelques semaines. “Nous avons enregistré 400 touristes la première année de la signature de la charte. Puis ça s’est arrêté alors que les commandes étaient en hausse, poursuit l’ambassadeur de la Réunion 2006. En revanche, personne n’a annulé sa réservation”. Il faut dire que le tour opérateur parisien a mis le paquet. “En février, soit en pleine épidémie, mon catalogue est sorti avec quatre pages complètes consacrées à l’île”. Désormais, les chiffres font plaisir. Le planning affiche déjà des réservations pour mars 2007.
Les obstacles à la tolérance
Simon pointe de nombreuses cibles, causes évidentes de l’hostilité. La société ne fait qu’entretenir la stigmatisation et la non intégration des gays.
En France, une loi du 31 décembre 2004 réprime les propos homophobes tenus publiquement (au même titre que les propos xénophobes, racistes, sexistes, handiphobes, etc.). Le député UMP Christian Vanneste a été condamné en janvier dernier. Le parlement européen a adopté le 18 janvier 2006 une résolution qui va également dans ce sens. Mais pour David, les sanctions restent trop marginales : “Si on appliquait la loi, ce serait déjà bien”, assène t-il. Inconsciemment ou pas, la société reproduit l’hostilité envers les gays. “L’homosexualité est tout le temps traitée par la caricature”. Première cible : le cinéma, avec des films comme Pédale douce, Pédale dure, Le placard, qui entretiennent l’idée que “notre minorité n’existe que dans sa féminité la plus exacerbée, alors que cette proportion est très faible”. Ou encore “les émissions de télé-réalité qui ont toutes leurs PD”. “Les producteurs ont l’impression de servir la cause alors qu’il ne font que laisser chacun dans sa case “, selon Simon. Pour endiguer ce fléau, l’éducation a sûrement son rôle à jouer. La préférence sexuelle est trop souvent écartée de l’école. Il faut l’intégrer de façon plus directe. Puis évidemment, l’image que la population entretient autour des gays est bien particulière. Simon s’enflamme :” On est tout le temps réduit à notre sexualité et à des sales, des pervers. On imagine une relation forcement pornographique alors que la pénétration anale est loin d’être générale !”
Source : http://www.clicanoo.com/article.php?id_article=131053