Le Parti socialiste s'engage avec prudence en faveur de l'homoparentalité
LE MONDE | 24.10.05 | 14h20 • Mis à jour le 24.10.05 | 14h20
Sur la couverture, un simple dessin d'enfant intitulé "ma famille". Une petite fille à couettes ("moi", précise la légende) y côtoie un homme ("papa") et deux femmes unies par un gros coeur rouge ("Isa" et "maman"). Fonder une famille homoparentale , de Martine Gross et Mathieu Peyceré, est un guide éthique, juridique, psychologique et pratique destiné aux homosexuels qui souhaitent avoir des enfants. Comment adopter ? Quel nom donner à l'enfant ? Comment réagir aux agressions et aux moqueries ? Les six chapitres abordent pas à pas les mille et une questions qui jalonnent le parcours des homoparents.
La préface est signée par un "présidentiable" de 2007, Dominique Strauss-Kahn. "L'immense mérite du débat sur l'homoparentalité est d'amener toute une société à renouveler le questionnement sur ce qu'est une famille, sur les droits de l'enfant, sur des liens sociaux nouveaux, écrit l'ancien ministre de Lionel Jospin. Fonder une famille, transmettre une histoire, des valeurs : ce projet de vie doit pouvoir être accessible sans discrimination. Les enfants ne doivent pas être privés de la possibilité d'avoir deux parents responsables au motif qu'ils sont de même sexe."
M. Strauss-Kahn avait déjà exprimé ses convictions, en 2004, dans Libération et dans l'émission "France Europe Express", sur France 3. "Nous ne le connaissions pas personnellement, mais au printemps, nous lui avons proposé la préface pour qu'il puisse exprimer à nouveau ses choix, raconte Martine Gross. Il a tout de suite accepté. Depuis, nous nous sommes rencontrés, en juin, à la Marche des fiertés homosexuelles, à Paris. Cela nous a permis de faire connaissance !"
LE MARIAGE NE VA PAS DE SOI
En mai 2004, au nom de "l'égalité des droits pour tous" , le Parti socialiste avait accepté du bout des lèvres sous la pression du mariage gay célébré à Bègles (Gironde) par Noël Mamère et des prises de position de plusieurs leaders, dont DSK le principe des unions homosexuelles, mais il était resté prudent sur la question de l'homoparentalité. "Un large débat doit s'organiser sur un sujet qui appelle la prise en compte de tous les points de vue afin d'apporter des réponses à des situations difficiles vécues par un certain nombre de nos concitoyens", avait alors affirmé le bureau national.
Au lendemain de ce communiqué, Lionel Jospin était sorti de la réserve qu'il s'imposait depuis sa défaite de 2002 pour dire son hostilité au mariage gay et à l'homoparentalité. L'enfant, écrivait-il alors dans le Journal du dimanche , "n'est pas un bien que peut se procurer un couple hétérosexuel ou homosexuel, il est une personne née de l'union quelle qu'en soit la modalité d'un homme et d'une femme" . "Je vois s'esquisser une nouvelle tentation bien-pensante, voire une crainte de l'imputation homophobe, qui pourraient empêcher de mener honnêtement la discussion" , concluait-il.
Depuis cette mise en garde, le débat s'est poursuivi au sein du PS. Et chacun a pris position dans les motions qui seront débattues au congrès du Mans, en novembre. François Hollande a franchi le pas dans son chapitre consacré au "contrat citoyen" : le mariage, promet-il, sera ouvert aux couples de même sexe et le droit à l'adoption devra "s'adapter aux réalités nouvelles et notamment tenir compte de l'homoparentalité" .
Au terme de longues discussions, le Nouveau Parti socialiste s'est finalement engagé, à travers une motion signée par Arnaud Montebourg, Vincent Peillon et Henri Emmanuelli : l'ouverture du mariage aux couples de même sexe "s'impose aujourd'hui comme une réforme que le Parti socialiste devra porter s'il revient au pouvoir ". "L'adoption doit être ouverte à tous les couples, qu'ils soient mariés, en concubinage ou pacsés", souligne-t-elle.
Enfin, bien que Laurent Fabius se soit, au moment du mariage de Bègles, déclaré partisan des unions homosexuelles, sa motion est infiniment prudente. "Le couple et la parentalité homosexuels sont des réalités déjà reconnues par la loi dans nombre de pays européens, souligne son texte. Dans notre parti comme dans la société, nous savons bien que les réponses à apporter ne vont pas de soi, mais une chose est certaine : après avoir créé le pacs, nous, socialistes, devrons porter de nouvelles évolutions allant dans le sens de l'égalité des droits."
Anne Chemin
Article paru dans l'édition du 25.10.05
Source : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-702721@51-702833,0.html