Cathos et homos
Deux essais sur les chrétiens et l’homosexualité viennent de paraître. L’un tient la route, l’autre pas, tandis qu’un militant gay catho raconte son parcours singulier.
La lecture du livre de Claire Lesegretain est des plus pénibles. L’auteur, journaliste à "La Croix", a voulu comprendre comment on peut concilier homosexualité et christianisme (1). Pour cela, elle a rencontré des chercheurs, des universitaires aussi bien que des catholiques lambda et reprend dans son livre les discussions qu’elle a eues avec eux. Mais dès les premières pages, elle place son travail dans "le désir d’être fidèle à l’Esprit" et sous le double signe de "l’Amour et la Vérité".
On sait alors que son enquête sera biaisée et les chapitres qui suivent le confirment. Le théologien Xavier Lacroix affirme que les "conduites érotiques homosexuelles" sont déficientes. Le père Yannik Bonnet n’a pas honte de dire à propos d’un collègue homo : "Je voyais qu’il en souffrait parce qu’il semblait mal à l’aise, mais je ne lui ai jamais tendu la perche pour qu’il m’en parle". Le livre vous tombe des mains plus d’une fois et l’on frôle fréquemment la nausée. Bien sûr, ces gens-là se défendent d’être homophobes et l’auteur se range à leur opinion. Elle a décidé d’éviter "le terme ambigu d’homophobie qui ne devrait être utilisé que d’un point de vue juridique". Mais quand on lui demande quel terme employer dans les autres situations, elle n’a rien à proposer. C’est cela qui est gênant dans la démarche de Claire Lesegretain. Elle se présente en tant que journaliste de terrain, objective, mais manque totalement de distance par rapport à son sujet.
La démarche d’Hélène Buisson-Fenet (2) est beaucoup moins partisane. Elle s’est intéressée à "L’Eglise catholique et l’homosexualité masculine en France de 1971 à 2000", c’est-à-dire de la naissance de l’association David et Jonathan au vote du PaCS. Elle a discuté homosexualité avec des clercs, que ceux-ci soient homos ou non, et pour elle, dans les discours officiels, "il est bien question d’homophobie. Mais la solidité rhétorique de ces énoncés est très faible : ils relèvent du performatif". Cela devient vrai quand c’est dit et parce que c’est dit. La légitimité de ces énoncés homophobes peut donc être remise en question et en conclusion de son livre, Hélène Buisson-Fenet souligne que la dénonciation habituelle par l’Eglise d’un monde en perte de repères masque en fait une société "où la démonstration d’obédience formelle à la règle compte moins que l’affirmation d’une morale personnelle". Au fond, et Claire Lesegretain dresse le même constat, chacun s’arrange avec les grands principes pour mener sa vie de chrétien. En ce sens, l’individualisme tant condamné par l’Eglise permet à celle-ci de se maintenir en vie.
Julien Picquart
(1) Claire Lesegretain, "Les chrétiens et l’homosexualité. L’enquête", Presses de la Rennaissance, 22 euros.
(2) Hélène Buisson-Fente, "Un sexe problématique", Presses Universitaires de Vincennes, 22 euros.
Source : http://www.e-llico.com/content.php?section=actu&id=3970