L'essor du «Deuxième sexe»
Karin Tshidimba, à Biarritz
Mis en ligne le 14/04/2006
- - - - - - - - - - -
«Les amants du Flore» interrogent la relation bâtie entre Sartre et de Beauvoir dès les bancs de l'université. Une aventure humaine où brille Anna Mouglalis face à un Lorant Deutsch plus en retrait.
Samedi, France 3, 20h55.
De Simone de Beauvoir, on connaît la femme brillante qui s'imposa à l'époque où fut publié son controversé «Deuxième sexe». De Jean-Paul Sartre, on connaît les réparties saillantes et le physique peu flatteur du célèbre philosophe qui s'attachait à illustrer ses théories dans son existence. Mais que sait-on vraiment de leur relation unique et de ce qui l'a fondée? C'est cette question que sonde Les amants du Flore, première réalisation d'Ilan Duran Cohen pour la télévision. Choisissant de se concentrer sur les années 1929 à 1949, qui ont vu la naissance de leurs pensées «libres et égales» dans un chahut personnel indescriptible, ce sont les êtres de chair plutôt que les penseurs qui ont intéressé Chantal de Rudder et Evelyne Pisier, ce qu'on pourra sans doute leur reprocher. Diffusée à l'occasion du 20eanniversaire de la disparition de l'auteur française -le 14 avril 1986-, cette fiction ne satisfera sans doute pas les admirateurs de l'oeuvre de Beauvoir puisque d'elle, il n'est question qu'au second plan. «Les amants du Flore» faisant des conditions d'émergence des écrits de Sartre et de Beauvoir le sujet central de leur quête. Le téléfilm se vit donc comme une «aventure humaine» entre deux personnages que tout oppose et réunit à la fois, et dont les déchirements et retrouvailles rythment le travail de création aussi sûrement que les bouleversements de l'entre-deux-guerres. Anna Mouglalis rayonne La démonstration à défaut d'être définitive est captivante de bout en bout, révélant une femme marquante à une génération qui la méconnaît sans doute. Une rencontre qui se noue par la grâce et l'intelligence d'Anna Mouglalis, habitant son personnage avec classe et une énorme force de conviction. Lorant Deutsch, en revanche, semble un peu en retrait, davantage impressionné par l'homme que Duran Cohen lui a donné à côtoyer. Salué, à juste titre, par le Fipa d'or du meilleur scénario, le travail de Chantal de Rudder et Evelyne Pisier est remarquable par sa capacité à rendre compte de cette relation étonnante, qui fit tant gloser et permit, du même coup, aux deux auteurs de toucher le plus grand nombre avec des écrits pourtant dérangeants et déroutants. Relation fusionnelle à la limite de la vampirisation, soumission acceptée et combattue à la fois, déchirements: les relations entre Sartre et Beauvoir sont rendues dans leur complexité en évitant de sombrer dans la théâtralité, la mièvrerie ou la caricature. Un travail audacieux qui devrait séduire un public aussi nombreux que celui que le bouche-à-oreille lui assura au Festival de Biarritz, en janvier dernier. © La Libre Belgique 2006 Source : http://www.lalibre.be/article.phtml?id=5&subid=86&art_id=280506