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4 avril 2006 2 04 /04 /avril /2006 07:00

Les femmes sont l'avenir de l'homme

Révolution ou régression ? La pionnière de l’histoire des femmes et le sociologue des mouvement sociaux publient chacun un livre sur l’émancipation féminine. Dialogue.


Le Nouvel Observateur. - Nous avons l'impression d'assister, depuis quelques années, à une régression planétaire de la situation des femmes. Pourtant vos deux livres témoignent d'un bel optimisme. S'agit-il d'une inclination personnelle ou du résultat de vos recherches?


Michelle Perrot. - C'est une attitude d'historienne qui tente de voir les choses dans la durée. Comment ne pas constater les extraordinaires changements dans la condition des femmes en Occident, notamment depuis un siècle, et encore plus depuis trente ans ? La maîtrise de la contraception est une révolution, un événement d'une telle ampleur qu'il bouleverse jusqu'à la symbolique des sexes, et jusqu'à la notion même de hiérarchie, comme l'ont montré des anthropologues telle Françoise Héritier. On ne peut nier les progrès accomplis. Bien sûr, la situation est plus complexe dans le reste du monde. Un « Livre noir de la condition des femmes », contenant des textes d'une quarantaine d'auteurs, vient de paraître chez XO, avec une préface de Christine Ockrent et une conclusion de Françoise Gaspard. C'est très intéressant - et très noir ! On y trouve des témoignages du monde entier, notamment du continent africain, ravagé par le sida, sur la persistance de l'excision, sur les crimes d'honneur en Iran ou en Irak, sur l'effarante pauvreté qui oblige des gamines à se prostituer... Alors, en effet, quand on regarde ce côté-là du monde, on prend la mesure des réalités, on se demande où est le progrès, on se garde d'exprimer un optimisme béat.

Alain Touraine. - Bien sûr, il serait intenable de prétendre que rien n'a changé. Nous avons à rendre compte à la fois d'un changement positif très profond et d'une aggravation de la situation de certaines femmes, y compris en Occident. Prenez le cas des femmes musulmanes vivant en France, et qui ont été interviewées au cours de mon enquête. Elles sont plus contrôlées et réprimées aujourd'hui. « Il y a dix ans, j'étais plus libre à Paris qu'à Alger. Maintenant, c'est l'inverse. » Voilà le genre de phrases que nous avons entendu prononcer, comme des évidences. Dans notre société en voie de désintégration, nous constatons d'une part une tendance au repli communautaire, et d'autre part, l'émergence de formes très inquiétantes de précarisation et de marginalisation. Les violences contre les femmes ne diminuent pas. Sur le marché de l'emploi, les progrès sont assez faibles. Les professions qu'elles occupent sont les plus mal payées, et les postes de direction leur restent inaccessibles. Elles ne sont que de 6 à 8% dans les grandes entreprises françaises à crever le fameux plafond de verre. Dans le reste du monde, ce qui est nouveau, c'est surtout la visibilité apportée par les médias aux situations tragiques vécues par les femmes dans de nombreux pays. Cependant, ce bilan négatif reste incomplet, il lui manque l'essentiel ! Car ce qu'il faut bien voir, c'est que, pendant tout ce temps, la parole, l'analyse des phénomènes, le sens des choses sont passés du côté des femmes. Le plus souvent, ce sont les femmes qui s'expriment, tandis que les hommes se taisent. L'image de l'homme à l'ancienne, la masculinité avantageuse, le culte de la virilité, tout cela est fini. Le macho est devenu un personnage pittoresque, un peu comme Raimu à Marseille dans les années 1930. Quant aux femmes, elles ont conscience de l'oppression qu'elles subissent, mais aussi d'être porteuses du sens de la culture d'aujourd'hui. C'est pourquoi je regrette que tant de publications ne parlent que de leurs souffrances, en oubliant de parler de leur action, de leur influence. Si vous racontez l'histoire du XIXe siècle européen, vous allez parler de la condition ouvrière, des accidents du travail, des taudis, mais aussi des mouvements ouvriers, du syndicalisme, des conquêtes sociales. La situation des femmes ne se limite pas à la domination qu'elles subissent.

M. Perrot. -C'est tout à fait juste ! Les femmes ont toujours été les actrices de leur propre vie.

A. Touraine. -Je dirais même qu'elles sont les actrices de la vie de tout le monde. Il faut renoncer à l'idée, chère à Simone de Beauvoir, selon laquelle les femmes, dans leur recherche de l'égalité, se rapprocheraient peu à peu du modèle masculin. Je suis persuadé qu'en fait ce sont les hommes qui se rapprochent peu à peu du modèle des femmes. Quel est-il ? J'ai interrogé des femmes, je leur ai demandé : «Quelles sont les différences entre vous et les hommes?» C'est toujours la même réponse. «Nous, notre seule supériorité, c'est que nous savons faire plusieurs choses à la fois.» Mais c'est essentiel ! Faire plusieurs choses à la fois, c'est concilier vie privée et vie publique, le corps et l'esprit, la nature et la culture. Rien de moins ! Aujourd'hui, nous sortons d'une culture de la conquête du monde pour aller vers une culture de la construction de soi, et les femmes en sont conscientes, elles l'affirment tranquillement. «Je suis une femme, je veux me construire comme femme, c'est le but de ma vie, et c'est dans le domaine de la sexualité que ça se joue.» Il est temps d'écouter les femmes au lieu de parler en leur nom.

N. O. -Dans votre livre, on les entend surtout à travers la médiation de votre commentaire.

A. Touraine. - Je me souviens d'une jeune femme musulmane qui nous avait raconté sa vie, le déchirement de sa famille. Elle pleurait, et finalement elle nous a dit : «Vous vous rendez compte, c'est la première fois de la vie que je dis «je»!»

N. O. -Michelle Perrot, votre livre propose un inventaire très complet des publications récentes consacrées à l'histoire des femmes, et par la même occasion un survol de cette longue histoire. Il se lit aussi comme un impressionnant catalogue des injustices...


M. Perrot. - Et des conquêtes ! Les femmes viennent de loin. La sujétion des femmes vient de loin, du silence à la clameur, de l'anonymat à la lutte, de la sujétion ancestrale à la prise de conscience. Ce livre est la transcription d'une série d'émissions de radio pendant lesquelles j'ai tenté de raconter l'histoire de l'histoire des femmes, pour donner au public une idée des recherches en cours depuis une trentaine d'années. C'est inouï, ce que les chercheuses et les chercheurs ont réussi à faire pour rendre visible ce qui était caché. Et je pense comme Alain Touraine que les hommes se rapprochent peu à peu du modèle des femmes, et notamment dans le domaine historiographique. Nous voyons déjà apparaître les prémices d'une histoire des hommes et de la masculinité.

N. O. -Est-ce la prochaine étape, un regard sur le destin des hommes en tant qu'êtres sexués et non plus en tant qu'incarnations de l'universel?

M. Perrot. - Vous ne croyez pas si bien dire. On peut déjà citer les travaux d'André Rauch, qui esquisse dans « le Premier Sexe » une réflexion sur la construction de la masculinité, ceux du sociologue Daniel Welzer-Lang, sur les hommes violents, ceux de Georges Vigarello, Fabrice Virgili, Luc Capdevila. De même aux Etats-Unis on voit se développer une histoire de la masculinité et de l'homme au quotidien. Comme dirait Houellebecq, c'est une extension du domaine de la lutte !

A. Touraine. - Les chercheurs américains font souvent figure de pionniers dans ce type de recherche. On ne peut qu'être frappé par l'avance prise aux Etats-Unis, notamment par les femmes « queer » ou les femmes « extrêmes », je pense notamment à Judith Butler et à ceux qui la suivent. Ce groupe intellectuel cherche à déconstruire l'image sociale de la femme et dispose actuellement d'une grande influence. Selon Butler, les femmes ne sont pas soumises à une domination masculine, mais à un modèle de société qui favorise la reproduction sociale et l'hétérosexualité. A partir de là, et non sans pertinence, elles montrent qu'il est temps de casser tout ce qui constitue traditionnellement l'identité féminine, mais pour inventer autre chose.

M. Perrot. - Cette mise en question des modes de construction des catégories de la pensée est inspirée du meilleur Foucault. D'ailleurs, Judith Butler s'y réfère souvent.

A. Touraine. -En revanche, la notion de genre, en tant que construction sociale censée remplacer la notion de sexe, ne me paraît pas très utile. Ces spéculations ont parfois aussi abouti à des excès. Il y a cet épisode célèbre où Monique Wittig, l'auteur des « Guerrillères », parle de son livre à des étudiantes. L'une d'entre elles demande : «Mais enfin madame, vous avez bien un vagin? - Mais bien sûr que non! répond Monique Wittig. Je ne suis pas une femme, je suis une lesbienne!»

N. O. - Faut-il entendre dans vos propos une critique implicite de Bourdieu?

A. Touraine. - Explicite !

M. Perrot. - Qu'est-ce que le genre ? C'est la différence des sexes telle qu'elle a été construite par la culture et par l'histoire. Ce que Simone de Beauvoir avait senti sans le nommer, mais très bien senti ! Michel Foucault a apporté une réflexion fondamentale. Il n'y a pas d'Homme, a-t-il dit. Après lui, Lacan dira : la Femme n'existe pas ! Nous continuons donc à nous servir du genre comme d'un outil utile pour l'analyse historique. La définition de la différence des sexes n'est évidemment pas la même dans l'Antiquité, dans la France d'aujourd'hui, chez les Papous ou chez les Esquimaux. Ce qui nous intéresse, c'est cela, c'est la différence. Cette frontière qui sépare les hommes et les femmes, qui les définit dans le savoir, le pouvoir, l'imaginaire. Faire l'histoire du genre, c'est suivre le tracé de cette frontière. Cela pose la question du privé et du public, mais à condition de ne pas identifier le privé aux femmes et le public aux hommes. La question serait plutôt de savoir par exemple, pour une époque donnée, si les femmes sont présentes dans l'espace public, et de quelle manière. A propos de la pensée « queer », qui est une pensée de la troisième dimension, il faut rappeler que Jacques Derrida en avait posé le principe en disant «ni un, ni deux, mais trois», dans la recherche d'une possible « troisième voie ». Il est frappant que des philosophes français comme Foucault et Derrida aient eu une telle influence sur ce mouvement de pensée américain, novateur et dynamique. C'est une réflexion nourrie de sources diverses, que ce soient les women studies, les gender studies ou les queers, mais encore mal connue en France malgré le travail de Marie-Hélène Bourcier. Quant à Judith Butler, elle vient seulement d'être traduite en français et publiée en 2005 à La Découverte.

A. Touraine. - En France, les gens continuent à penser l'identité selon la dualité homme-femme, alors qu'aux Etats-Unis, depuis très longtemps, d'autres catégories sont acceptées. En France, un transsexuel est rejeté et quasiment obligé de se prostituer. J'étais à Berkeley, en Californie, quand le conseil municipal de San Francisco a voté des crédits pour l'accompagnement psychologique aux transsexuels. Les groupes de pression LGBT (Lesbian Gay Bi Trans) sont très actifs. Il existe par exemple une catégorie très présente dans les petites annonces, les shemales, un mot-valise que l'on pourrait traduire par « hommelles ». Ce sont des êtres qui se présentent comme des femmes avec des poitrines magnifiques, mais qui sont des hommes et couchent avec des hommes. Ce qui est utile et important, c'est l'effort pour ne pas identifier les individus à des constructions sociales, et par conséquent pour remettre en cause toutes les catégories, y compris les clichés les plus grotesques de la psychologie dite féminine, du style «les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus et ne savent pas lire les cartes routières». Il importe de casser ces images sociales construites pour la domination, afin de comprendre la véritable signification de l'action des femmes - la transformation de la culture et de la société. C'est ainsi que l'opposition homme-femme doit être abandonnée, sans adopter pour autant un modèle unisexe qui n'aurait aucun sens. Les travaux d'Elisabeth Badinter sont intéressants, mais on ne peut dire que «l'un est l'autre». Parmi toutes les femmes que j'ai rencontrées, il n'y en a pas une seule qui n'ait commencé en disant : «Je suis une femme. »

M. Perrot. - Ce qui me paraît central aujourd'hui, c'est cette idée d'invention. Foisonnement des sexualités, invention des sexes, qui ne nous définissent pas une fois pour toutes, qui restent toujours à redéfinir, à réinventer. Autrefois, les femmes ne parlaient pas aussi facilement, il n'y avait pas de sociologues pour leur poser des questions. Elles auraient dit « je suis une femme ». Mais ce qu'elles n'auraient pas dit de la même façon, j'en suis bien certaine, c'est « je ». Oser dire « je », c'est une conquête majeure. Aux femmes on disait : oublie que tu es « je ». Tu dois être eux, les autres. Et elles n'auraient pas osé parler de leur sexualité. Mais qui en parlait ? « La Volonté de savoir » (Foucault) est une affaire récente.

N. O. - Finalement, quel est votre diagnostic en ce qui concerne l'oppression ancestrale des femmes? Victimes ou consentantes?

M. Perrot. -Mais elles sont un peu tout cela ! Victimes, oui, bien sûr, fondamentalement. Consentantes, oui, parfois, parce qu'on cherche le bonheur, et parce qu'au fond être heureuse, c'est souvent ne pas se bagarrer, c'est accepter, aménager le quotidien. Et puis, de temps en temps, elles ont dit non, ça suffit, ceci, nous ne l'acceptons plus, nous voulons autre chose. Parfois, le consentement n'est qu'apparent. Mais il ne faudrait pas penser que les femmes sont toujours dans le camp du juste, du vrai et du bien. Certaines historiennes considèrent que les femmes allemandes n'ont pas participé au nazisme, qui était une affaire de virilité, de torse bombé et de bruits de bottes. Selon d'autres, au contraire, qu'elles ont largement participé aux associations nazies, et que beaucoup d'entre elles se pâmaient devant Hitler. Il faut se méfier du manichéisme qui mettrait d'un côté les méchants hommes, et de l'autre côté les femmes...

A. Touraine. - Au cours de mon enquête, j'ai constaté que des femmes de toutes conditions font souvent preuve d'une capacité d'analyse critique extraordinaire. Vous vous rappelez l'affaire des sans-papiers maliens de l'église Saint-Bernard. Parmi eux il y avait Sissé, l'une des plus radicales, qui a ensuite publié un livre sur les « sans-papières ». Au Brésil, au Chili, nous avons rencontré des femmes dans des communautés ecclésiales de base qui parlaient librement de leur sexualité et de leurs responsabilités : se battre pour avoir de l'eau, un poste de police, l'école, un dispensaire, etc. Des études faites il y a longtemps en Inde, chez des Adibasi, des intouchables vivant dans la forêt autour de Bombay, ont produit des textes d'une grande élaboration intellectuelle. Il n'y a pas de dépendance complètement acceptée.La conscience est toujours là.

M. Perrot. - La lutte des femmes pour être reconnues comme individus à part entière ne date pas d'hier. George Sand en parle constamment. Dans le domaine politique, refuser le droit de vote aux femmes, c'était leur dire : « Vous n'êtes pas des individus, vous êtes des membres de la famille et votre mari vous représente. » C'était une forme de holisme familial. Les femmes n'étaient pas des individus. C'était également vrai dans le domaine des droits civils, de l'économie. La revendication d'être un individu est une revendication ancienne, que le féminisme a mise en avant.

N. O. - Que pensez-vous d'une situation où l'on voit des femmes défiler pour exiger de porter le voile?

M. Perrot. - En effet, c'est angoissant de voir les femmes du Hezbollah manifester comme elles le font, voilées de noir. Si on fait l'histoire du voile, on voit bien que c'est une forme de domination voulue par les Eglises et les religions sur les femmes ; pour les cacher, cacher leur corps, leur sexualité, etc. Souvent il leur arrive d'accepter le voile parce qu'elles ne peuvent pas faire autrement, ou peut-être parce qu'elles le souhaitent. Mais parfois elles en font autre chose, comme ces Algériennes, dans les romans d'Assia Djebar, qui se voilent pour passer les contrôles de police et aller au maquis. Elias Sanbar, le grand spécialiste de la Palestine, dit : «Oui, on voit de plus en plus de femmes voilées, mais on voit aussi beaucoup plus de femmes arabes, musulmanes, dans l'espace public.» C'est toute l'ambivalence du voile.

A. Touraine. - Au début de la fameuse affaire du voile, ce sont les enseignants qui s'exprimaient, surtout les chefs d'établissement. Par la suite, ce sont les femmes laïques, venant du monde maghrébin, qui ont exprimé leur soulagement de pouvoir enlever le voile. J'ai fait partie de la commission Stasi et je me félicite que cette loi ait servi à donner un coup d'arrêt au repli communautaire et à défendre la citoyenneté.

M. Perrot. - Mes amies algériennes qui s'étaient battues contre le voile en Algérie me disaient : « Vous n'allez tout de même pas céder en France sur ce point ! » Sans la loi, les filles modernes ou en voie de modernisation auraient été perpétuellement confrontées au modèle de la fille voilée, ce qui les aurait fragilisées dans leur choix de vie. Oui, il fallait donner ce coup d'arrêt.


Propos recueillis par Catherine David

Professeur émérite à l'université Paris-VII-Denis Diderot, spécialiste des mouvements ouvriers et du système pénitentiaire au XIXe siècle, l'historienne Michelle Perrot est
l'une des pionnières de l'histoire des femmes et du genre. Elle a dirigé, avec Georges Duby, « Histoire des femmes en Occident » (5 vol., Plon, 1991-1992) et publié « les Femmes ou les silences de l'histoire » (« Champs Histoire », Flammarion). Elle produit « les Lundis de l'histoire » sur France-Culture. « Mon histoire des femmes », qui vient de paraître au Seuil, est issu d'une série de ses émissions diffusées sur France-Culture en 2005.

Source : http://clubobs.nouvelobs.com/article/2006/03/30/20060330.OBSHDE299784.xml

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