Oubliez le stéréotype de la blonde “Made in Hollywood”. Cette comédienne est une femme engagée, au caractère bien trempé. De la vérité, pas de vanité, ainsi va charlize. souhaitons-lui un Oscar, dimanche, pour son incroyable prestation dans “L’affaire Josey Aimes”*.
Glamour calibré, peau délicatement abricotée, blondeur idéale et regard myosotis, Charlize Theron fascine par sa plastique irréprochable d’amazone de 1,78 m. Signe intrigant : deux discrets tatouages qu’elle ne cherche pas à dissimuler, l’un sur le cou-de-pied et l’autre juste au-dessus de sa cheville droite. On la croyait un peu distante. Mais non. Elle s’efforce de ne pas être intimidante, tout à coup spirituelle, sans coquetterie affectée ni désir de plaire à tout prix.
Avec sa prestation dans “ l’Affaire Josey Aimes ”, l’actrice pourrait bien remporter un second oscar, deux ans après celui obtenu pour son rôle trash de lesbienne tueuse en série dans “ Monster ”.
Ses racines, elles sont à Benoni, en Afrique du Sud, au nord de Johannesburg, où elle a grandi. À seize ans, elle se lance dans le mannequinat. On passe sur la mort de son père, alcoolique et violent, tué un an plus tôt d’un coup de fusil par sa mère. Verdict : légitime défense.
Installée à New York, elle doit renoncer à son rêve de devenir danseuse à la suite d’une blessure au genou... Un aller simple pour Hollywood. La vie en motel de second ordre. Les galères d’argent. Les auditions qui n’aboutissent à rien. Elle apprend à perdre son accent sud-africain en regardant la télévision. Tout change en 1996. Elle se fait remarquer, enfin.
Puis c’est l’ascension, irrésistible. En septembre dernier, à tout juste trente ans, elle a eu son étoile sur Hollywood Boulevard. Côté cœur, elle file le parfait amour depuis cinq ans avec l’acteur irlandais Stuart Townsend (rencontré pendant le tournage de “ Mauvais Piège ”), dans les collines de Malibu, avec leurs quatre chiens.
“ Madame Figaro ”. — À travers le parcours de cette femme voulant remettre de l’ordre dans sa vie pour s’en sortir, le film traite du harcèlement sexuel. Cela vous est-il arrivé personnellement lorsque vous étiez mannequin ou au cours de votre vie professionnelle ?
Charlize Theron. – Non. J’ai eu de la chance. On imagine souvent à tort que toutes les actrices choisissent des rôles proches de leurs expériences personnelles... Quand j’ai participé à la première campagne publicitaire de sensibilisation sur le viol en Afrique du Sud, on a supposé automatiquement que j’avais été violée. Ça m’avait sidérée. À l’époque, là-bas, une femme l’était toutes les vingt-six secondes, et personne n’agissait contre ce phénomène. C’était une campagne coup de poing qui mettait au défi de dénoncer ouvertement les coupables. Le harcèlement sexuel, ça me touche forcément en tant que femme. Comme le viol, c’est une question de dignité humaine, un fléau qu’il faut attaquer de front. Après mes recherches et pour avoir passé du temps avec les femmes dont parle “ l’Affaire Josey Aimes ”, je me suis rendu compte de leur immense courage, combien il leur avait été difficile de coexister dans cet environnement hostile et sexiste. Constamment humiliées, leur dignité bafouée avec la peur de perdre leur emploi si elles s’avisaient de protester auprès de la direction ou des syndicats. Pour moi, le film s’inscrit dans la lignée des “ Norma Rae ”, “ le Mystère Silkwood ” et “ Erin Brockovich ”. Où, comme Josey, les héroïnes refusent de se résigner, quel que soit le prix à payer.
— Avez-vous fait l’expérience d’un labeur aussi pénible que celui de Josey dans ces mines d’extraction de fer au nord du Minnesota ?
– En plus de leur ferme, mes parents avaient une entreprise de transports et de construction. Le travail manuel, physique, je connais. J’aidais mon père dans l’entretien de ses véhicules. Mon job était de nettoyer les boîtes à outils, de changer les bougies, de ramasser les courroies de ventilateur usagées. Je savais faire les vidanges. Ça, c’était le plus sale.
— À un moment dans le film, Josey est incapable de demander de l’aide. Par fierté et par pudeur, sans doute aussi par crainte de se voir rabrouée... ?
– Ça n’est jamais très facile de se trouver dans cette situation. Étant du signe du Lion, j’ai tendance à vouloir régler mes problèmes toute seule ! Je dois apprendre à être moins stricte. Je viens d’avoir trente ans et je suis davantage consciente de mes défauts, de ce que j’aimerais changer en moi. Comme tout le monde, je me suis pas mal fourvoyée. Il faut en passer par là et si possible tirer une leçon de ses erreurs. J’ai la chance d’avoir un cercle d’amis très proches que je considère comme ma seconde famille. Depuis longtemps et sans jamais faillir, ils m’ont soutenue, épaulée, consolée, encouragée, partageant mes hauts et mes bas. Je peux toujours compter sur eux. C’est rassurant. Ils m’aident à garder les pieds sur terre. Grâce à eux aussi, je ne pense pas avoir jamais eu la grosse tête. J’ai pu garder mon équilibre et ma santé mentale !
— Niki Caro, la réalisatrice de “ l’Affaire Josey Aimes ”, dit que vous êtes la plus belle femme qu’elle ait jamais rencontrée. Comment prenez-vous un tel compliment ? Est-ce parfois un fardeau ?
– Dans le jeu de cartes que la vie octroie au départ à chacun de nous, il y un certain nombre d’atouts. Je n’ai pas choisi les miens. Je n’y peux rien. Je ne vais quand même pas passer mon temps à me plaindre ! À moi de savoir m’en servir, d’essayer d’en tirer parti au maximum. Quand il s’agit de jouer un rôle, je fais abstraction totale de mon apparence pour me focaliser sur l’authenticité du personnage. Charlize s’efface. Je n’ai pas le moindre désir de la voir à l’écran. Ça ne me viendrait même pas à l’idée. Ce serait assommant. Le processus d’identification avec le personnage est organique et instinctif. Je suis d’abord à son service. Toute vanité doit disparaître.
— Cela requiert une grande force de caractère et une énorme confiance en soi.
– Sans doute. Bien sûr qu’il m’a fallu vaincre certains préjugés étriqués à mon égard ! À cause de mon look, on a souvent vu en moi un stéréotype. Le challenge pour moi a été de combattre cette image réductrice, de démontrer qu’il y avait quelque chose de plus profond derrière. Le défi a été somme toute positif et fructueux, je crois. Finalement, il y a l’immense satisfaction d’avoir fait mes preuves. Je ne me suis jamais apitoyée sur mon sort et à me dire que la vie était injuste, que j’aurais eu plus de chance en mesurant quelques centimètres de moins... J’avais certaines cartes en main, comme je vous l’ai dit, et c’est avec ce jeu-là que je me suis débrouillée. Et s’il me faut lutter dix ou cent fois plus pour arriver à mes fins, peu importe, je suis prête.
— Il y a dix ans tout juste, vous décrochiez votre premier rôle substantiel dans “ Deux Jours à Los Angeles ”, après avoir été en lice sans succès pour “ Showgirls ”, de Paul Verhoeven, et une apparition non créditée au générique dans “ les Démons du maïs 3 ” !
– Pour “ Showgirls ”, je remercie mon ange gardien ! (NDLR : massacré par la critique, le film a été un échec retentissant.) Et après “ Deux Jours... ”, je n’ai pas travaillé pendant un an. Pourtant on m’offrait des tas de rôles pour des sommes juteuses. Sauf qu’on voulait que je refasse exactement la même chose. Mon agent était sidéré que je refuse tout, mais j’ai tenu bon. Je ne voulais pas me laisser étiqueter comme la belle blonde glamour de service ni tomber dans le piège de la facilité.
— Beau parcours que le vôtre ! On vous retrouve aux côtés de Robert De Niro, d’Al Pacino, de Johnny Depp, de Keanu Reeves, dirigée par Woody Allen et par Robert Redford, alternant des films indépendants, comme “ Monster ”, et d’autres plus commerciaux, tels que “ Braquage à l’italienne ”... Le résultat d’un plan de carrière bien précis?
– Pas vraiment, non. Dans cette profession, il est impossible de prédire sa longévité ou sa viabilité. Je ne cherche pas à plaire aux autres, seulement à rester intègre J’aimerais continuer à tourner avec des cinéastes qui m’inspirent, qui me surprennent... Et si, en plus, les films plaisent, alors c’est
la cerise sur le gâteau.
— Vous incarnez souvent des femmes de caractère...
– Je dirais plutôt qu’elles ont surtout été très réelles. C’est ça qui compte pour moi. La nature humaine et les complexités de notre comportement ne cessent de me fasciner. Il n’y a rien de plus excitant que d’explorer ces mystères. Ce qu’on trouve à la clé n’est pas toujours joli, joli, mais ça en vaut la peine. Certains vont chez un psy, moi je fais du cinéma. Cadeau extraordinaire que je ne traite jamais à la légère. Je suis constamment à la recherche de la vérité, et ce cheminement est toujours gratifiant pour moi.
— Gardez-vous un bon souvenir de vos débuts comme mannequin ?
– Pas vraiment, non. Cela dit, je dois admettre que c’est ce qui m’a mise sur la voie... après quelques détours imprévus. J’avais seize ans quand j’ai quitté Benoni, et je me suis retrouvée à Milan. Pendant deux ans, j’ai sillonné le reste de l’Europe. J’ai croisé pas mal de filles de mon âge qui ne tenaient pas le coup ou n’avaient pas les ressources psychologiques pour affronter les rejets – inévitables dans ce métier. Je me souviens que, lors d’une même journée, on m’avait trouvée trop grande, trop grosse et ne possédant pas un tour de poitrine suffisant ! Par la force des choses, on doit ne plus rien prendre personnellement et s’endurcir. Avaler sa fierté. Autre aspect positif ? Je gagnais ma vie et ça m’a aidée à gérer mon indépendance très tôt.
— Vous vivez en couple depuis pas mal de temps maintenant. Le mariage, avoir des enfants, vous en avez envie ?
– Je ne suis jamais très à l’aise quand il s’agit de discuter de ma vie privée. Je voudrais préserver ce qui nous est intime. Je peux cependant vous dire que c’est un homme formidable. Un excellent acteur, par-dessus le marché. Et que nous sommes très heureux. Je ne suis pas allergique au mariage. En même temps, cette idée ne m’obsède pas. Et puis j’ai vraiment l’impression que nous sommes mariés, en fait ! On se trouve très bien ainsi. Pourquoi changer ? Sinon, j’adore l’Irlande, où je suis allée une bonne dizaine de fois. Ça me rappelle l’Afrique du Sud par certains côtés. Il y a une indéniable qualité de vie. Les gens sont chaleureux. Ils aiment se retrouver dans les pubs pour boire, manger et discuter. C’est très convivial. La famille de Stuart est originaire de la région de Hoeth, près de la mer. On loue une voiture et on roule jusque là-bas. On va se promener sur le port très pittoresque, et après on se requinque avec des cornets de “ fish and chips ”...
— Pour qui éprouvez-vous de l’admiration ?
– Pour ma mère, Gerda. Après la mort de mon père, nous nous sommes retrouvées submergées de dettes. Un mot que je n’avais jamais entendu. Au lieu de baisser les bras et de se lamenter, elle a réagi. Elle a repris la ferme. Elle s’est débattue avec toutes les banques auxquelles nous devions de l’argent. Il lui a fallu cinq ans pour tout rembourser. Jamais elle ne s’est plainte de devoir aller traire les vaches à 6 heures tous les matins. Pour elle, il n’y avait pas d’autre choix, et je l’ai toujours admirée pour son courage exceptionnel. C’est une magnifique leçon que je n’ai jamais oubliée. Je lui dois beaucoup.
— Après avoir obtenu un oscar, qu’est-ce que la statuette dorée a concrètement changé pour vous ?
– Ce n’est pas Oscar qui va faire le ménage ! Je dois encore sortir les poubelles et donner à manger aux chiens.
* En salles le 8 mars.
Source : http://www.madamefigaro.fr/people/20060303.MAD0008.html