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15 février 2006 3 15 /02 /février /2006 06:15

Documents pour une censure annoncée

 

 

 

 

I. 6 mars 2000. Lettre de Marie-Victoire Louis à Ingrid Galster

 

 

 

 

 

Paris, le 6 mars 2000

………

D - 85071 Eichstätt

 

 

 

Ingrid,

 

 

 

J’ai été informée par Marie-Jo Bonnet de la lettre que tu lui as adressée le 23 février. Et, à ma demande, celle-ci m’a procuré le texte intitulé : « La lesbienne: un universalisme sans universalité » qu’elle t’a envoyée aux fins de publication.

 

 

 

En tant que participante au colloque Simone de Beauvoir à Eichstätt, en tant qu’auteure pressentie pour être publiée dans le livre que tu coordonnes, je tenais à te dire que j’ai été choquée du ton que tu as employé à l’égard de Marie-Jo Bonnet, comme de la manière dont tu t’es adressée à elle :«.... Je te demanderai de relire cette circulaire. Je ne répéterai pas ici ce que j’ai écrit... Inutile d’expliquer ce que ça veut dire, car si j’ai bien compris tu es historienne... Et moi, en tant qu’éditrice, j’insiste pour qu’on adopte un style convenable. On n’est pas au tribunal...Il faut vraiment t’instruire un peu.... D’ailleurs as-tu réfléchi ? ...Il fallait un peu de scrupule philologique. »

 

 

 

Ces phrases n’ont, pour moi, pas lieu d’être de la part d’une intellectuelle s’adressant à une autre intellectuelle.[1]

 

 

 

Concernant tes arguments pour refuser son texte - puisque c’est bien de cela qu’il s’agit - je me permets de te faire part de mes réactions.

 

 

 

* Je ne considère pas que « le ton de la rancune et du ressentiment domine (le) texte » de Marie-Jo Bonnet. Celle-ci a procédé à une analyse que je considère comme tout à fait pertinente. Même si je pense que certaines expressions doivent être réécrites, du type : « Elle n’a plus qu’une seule idée en tête...vérouiller ... » Ou : « Je ne suis pas tout à fait sûre que Simone de Beauvoir aurait écrit ce chapitre différemment ». Mais ce sont des questions de formulations qui peuvent être réglées très rapidement et n’invalident pas la valeur de son texte. 

 

 

 

 

 

* Je ne considère pas que son texte soit « militant » - pas plus que ne le fut mon exposé oral sur la prostitution - mais critique et engagé. Ce qui est - et ce n’est pas très original - le propre de la fonction d’un-e intellectuel-le.

 

 

 

* Par ailleurs, je n’ai rien lu dans le texte de Marie-Jo Bonnet qui puisse légitimer ta critique selon laquelle Simone de Beauvoir aurait « rabâché des clichés ».

 

 

 

 

 

* En outre, l’évocation du « scandale » que tu évoques concernant la réaction que ce chapitre a suscité « en 1949 » - lorsque l’on connaît le ‘niveau’ moyen des critiques qu’a dû subir Simone de Beauvoir - ne saurait en aucun cas être considérée comme un argument suffisant pour permettre de considérer ce chapitre comme positif, ou subversif, ou novateur, ou tout simplement pertinent.

Ce chapitre doit être, comme tous les autres, et comme tu l’écris, soumis à « la critique ».

 

 

 

 

 

* Je ne considère pas que ta phrase de critique à l’égard du texte de Marie-Jo : « Pour l’argumentation, je me rends compte que j’ai dû lire certains passages plusieurs fois pour la suivre, alors que pour d’autres contributions, je n’ai pas eu le même problème » soit suffisamment circonstanciée pour être valablement entendue.

 

 

 

* Par ailleurs, concernant la manière dont Marie-Jo Bonnet traite de l’inconscient, ta phrase : « D’autres se sont chargées de ça à l’intérieur de chapitres où Beauvoir entame le sujet de façon plus générale » peut être interprétée comme une manière de lui interdire d’en parler. 

 

 

 

* Enfin, ce que tu écris sur le fait que l’inspecteur de police en 1942 n’aurait pas eu « de magnétophone » ne permet pas d’invalider le fait que cette déposition - il faut le reconnaître, accablante pour Simone de Beauvoir qui ‘charge’ son élève - est une source, qui, comme toute source juridique, fait partie de l’histoire et doit être analysée.  Je considère que Marie-Jo Bonnet a non seulement raison de citer cette déposition, mais qu’elle doit le faire ; même si elle doit effectivement pendre plus de précautions de méthode liée à la nature de sa source.   

 

 

 

Pour ma part, je pense - et je le lui ai dit - qu’elle ne va pas assez loin dans son analyse critique. Je considère en effet que la question du « détournement de mineure »  - qui pose la question du pouvoir (lié notamment à la différence de statut social, intellectuel, institutionnel, à l’écart dû à l’âge [entre Simone de Beauvoir et son élève] , au rôle de Sartre....) mis en oeuvre dans une relation « amoureuse » - et de son « abus » au regard du droit et de la morale (à définir)  - doit être posée.

En elle même. Vichy ou non, lesbianisme ou non.

Le livre bouleversant [2] de Bianca Lamblin  ne doit pas être oublié.

 

 

 

Je considère donc que le texte de Marie-Jo Bonnet est pertinent : elle a démonté analytiquement avec finesse et intelligence les importantes « limites » - pour employer un euphémisme - de ce chapitre. Qu’elle a resitué, comme tu nous l’avais demandé, dans son contexte historique.

Plus encore, elle nous donne une grille de lecture théorique qui dépasse la critique de ce seul chapitre.

 

 

 

Je te demande donc de revoir ta position à l’égard du texte de Marie-Jo Bonnet, à laquelle j’ai adressé mes réactions à son texte, comme je souhaiterais en recevoir pour moi-même.

 

 

 

Mais le principe de la liberté de l’auteur-e ne saurait être remis en cause.

Me concernant, je ne saurais travailler pour cette publication, si ce principe n’était pas assuré. Et si le texte de Marie-Jo - qui effectivement « brise un tabou » - en était exclu.

 

 

 

En espérant vivement que cette insertion de son texte dans les actes du colloque se réalisera.

 

 

 

Amicalement,

Marie-Victoire Louis

Copie à Marie-Jo Bonnet

.............. Hélène Rouch

 

 

 

 

 

 

II. 23 décembre 2000. Lettre de Marie-Victoire Louis à Hélène Rouch

 

 

 

 

 

 

Paris, le 23 décembre 2000

 

 

 

Hélène Rouch

Hélène,

 

 

 

 

 

 

J’ai bien reçu ta dernière lettre et je t’en remercie. Je compte donc re-travailler mon texte en fonction des critiques, justes, d’Ingrid et de toi-même. Je vais aussi essayer de mieux problématiser la question des relations de S. De Beauvoir avec la prostitution.

 

 

 

Par ailleurs, lors de notre rencontre, j’ai appris par toi que le désaccord avec Marie Jo Bonnet concernant son chapitre consacré à « La lesbienne » n’était pas réglé. Or, comme tu le sais déjà, je suis extrêmement attachée, par principe, à la publication par Marie Jo de son analyse. Que je trouve, par ailleurs, très pertinente.

 

 

 

Je t’ai donc informée que je comptais contacter Marie Jo pour tenter de régler le problème. Je l’ai donc appelée. Celle-ci m’a dit très clairement qu’elle ne se reconnaissait pas dans la deuxième mouture, celle qu’elle avait reprise avec toi. Et qu’elle voulait donc que ce soit la première qui soit insérée dans le livre.

 

 

 

À l’entendre, je n’ai pu que réagir en pensant que, sur le fond, c’était donc sa position d’auteure qui devait être celle de référence. Puisqu’elle est au fondement du principe de la liberté d’écrire.

 

 

 

J’ai cependant relu la rédaction du chapitre tel qu’elle vous demande de l’insérer. Et non seulement je n’ai rien lu qui puisse lui être reproché, mais en outre, je le trouve fort et juste.

 

 

 

Je vous demande donc de bien vouloir donc intégrer le chapitre de Marie Jo Bonnet, tel qu’elle vous le propose. Et - sachant que je parle, ici, à titre personnel - je pense que si vous avez, comme ce fut le cas pour votre travail critique de tous les chapitres, des demandes ponctuelles à lui faire, celle-ci les entendra. Comme elle l’a déjà fait. 

 

 

 

Il est en effet, pour moi, impensable que ce livre, si important, sorte en faisant l’impasse sur un chapitre entier du livre, alors que vous êtes en possession d’un (bon) texte émanant d’une spécialiste qui a beaucoup travaillé sur le sujet. Et qui va par ailleurs, publier ce texte aux Etats-unis. Peut-être est-il même déjà publié ?

 

 

 

Les accusations de « censure » - auxquelles je ne peux m’identifier - ne pourront manquer alors d’être faites. C’est, en outre, la crédibilité de tout le travail remarquable fait, et par vous-mêmes et par tant de personnes, qui sera en cause.

 

 

 

Voilà ce que je souhaitais te dire, à toi, ainsi, bien sûr, qu’à Ingrid.

Je ne peux croire que ce problème ne se règle. 

 

 

 

Bonnes fêtes. Et à bientôt, donc. 

Marie-Victoire

 

 

 

III. 22 Juin 2001. Lettre de Marie-Victoire Louis à Hélène Rouch

 

 

 

22 juin 2001.

 

 

 

 

 

Hélène Rouch

Editions l'Harmattan

 

 

 

 

 

 

Hélène,

 

 

 

 

 

 

N'ayant plus eu de tes nouvelles depuis plusieurs mois, j'en déduis - puisque vous n'avez pas cru bon m'en informer - que vous avez pris la décision de ne pas publier mon chapitre sur Simone de Beauvoir et la prostitution.

 

 

 

Aussi, pour éviter toute ambiguïté lors de la publication du livre, je tiens à préciser, par écrit, une dernière fois, que la seule et unique raison qui expliquera l'absence du chapitre rédigé par moi est la suivante:

Je me refuse à être publiée dans un livre qui a refusé de publier le chapitre de Marie-Jo Bonnet sur "La lesbiennne".

 

 

Je me refuse à être complice d'une censure.

 

 

 

Je précise que les lettres échangées sur le sujet entre Marie-Jo Bonnet, toi et moi - Ingrid Galster, bien que responsable et du colloque et de la publication t'ayant laissée seule pour gérer le problème - sont à la disposition de qui souhaiterait en prendre connaissance.

Je regrette que le colloque Beauvoir d'Eischtätt, qui s'était si bien passé, se termine ainsi.

Et plus encore, qu'un colloque sur Simone de Beauvoir puisse être publié dans ces conditions scandaleuses.

Avec mes regrets.

 

 

 

Marie-Victoire Louis

 

 

 

P.S : Serais-tu assez aimable de bien vouloir adresser une copie de ma lettre à Ingrid Galster ?

Copie à: Marie-Jo Bonnet, Françoise Collin, Liliane Kandel.

Je considère qu'il serait nécessaire, en outre, que l'ensemble des auteur-es participante-s à ce livre reçoivent, avant publication du livre, copie de ma lettre.

 

 

 

Marie-Victoire Louis

 

 

 

IV. 4 septembre 2003. Lettre de Marie-Victoire Louis et Marie-Jo Bonnet aux Editions Honoré Champion

 

 

 

 

 

Editions Honoré Champion

7 Quai Malaquais

Paris 75006

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Paris, le 4 septembre 2003

Monsieur le Directeur,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous avons appris récemment par Hélène Rouch de la parution prochaine par votre maison d’édition d’un livre issu d’un colloque organisé par Ingrid Galster sur Simone De Beauvoir . 

 

 

 

Ayant participé à ce colloque et n’ayant pas été informée de sa parution, nous aimerions avoir confirmation de cette information.

 

 

 

Nous souhaitons aussi savoir si nos communications font partie de cette publication.

 

 

 

Avec nos remerciements,

 

 

 

Dans l’attente,

 

 

 

Veuillez agréer l’assurance de notre considération distinguée.

 

 

 

 

 

 

Marie-Jo Bonnet

 Marie-Victoire Louis

 

 

 

 

 

 

V. 9 septembre 2003. Lettre de Marie-Victoire Louis adressée à Hélène Rouch

 

 

 

Paris, le 9 septembre 2003

 

 

 

 

 

 

Hélène Rouch

 

 

 

Hélène,

 

 

 

 

 

 

Dans la mesure où tu ne m’as pas laissé le temps de répondre lors de ton appel téléphonique d’hier après-midi, je tenais à clarifier plusieurs points :

 

 

 

1° ) J’avais lu par téléphone sur ton répondeur le 3 septembre la lettre (en  P.J. à cette lettre) en date du 4 septembre signée par Marie-Jo Bonnet et moi-même adressée aux Editions Honoré Champion. Comme nous te citions en ces termes : « Nous avons appris récemment par Hélène Rouch de la parution prochaine d’un livre issu du colloque organisé par Ingrid Galster sur Simone de Beauvoir »  - j’avais laissé un message la veille te demandant de me rappeler pour me dire si tu voyais un inconvénient à être citée dans cette lettre.

Dans la mesure où tu ne m’avais pas rappelée - et dans la mesure où je t’informais que je comptais adresser cette lettre le lendemain - j’en ai déduis que cela ne te posait pas de problèmes. Mais, comme tu me l’as dit justement : «  tout le monde n’est pas tout le temps chez soi ».

Je te demande donc de m’en excuser.

J’aurais dû te demander un accord explicite pour te citer dans lettre adressée en date du 4 septembre.

 

 

 

Ceci étant dit, je me permets de préciser que dans la mesure où cette lettre faisait état d’une simple information (que tu avais transmise à Marie-Jo Bonnet) - à savoir que le livre consacré à Simone de Beauvoir allait être publié aux Editions Honoré Champion - je n’ai pas pensé que l’enjeu était d’une telle importance.

 

 

 

2 °) Aussi, ai-je été fort étonnée lorsque tu m’as affirmée au téléphone que notre lettre te mettais « dans une situation intenable » ; j’ai du mal à en comprendre les raisons.

 

 

 

3 °) Lors de ce même appel, tu as aussi fait état de ce que tu t’étais « battue pour nous », ou que tu nous avais « défendues » (je ne me souviens pas de ta phrase exacte).

La question ne se pose pas en ces termes

La question - depuis plus de trois ans - est de savoir si un livre - issu des Actes du Colloque Simone de Beauvoir dirigé par Ingrid Galster – peut être ou non publié sur les fondements d’une censure. 

 

 

 

4° ) C’est parce que :

 

 

 

* Aucune réponse n’avait été faite à la lettre que je t’avais adressée en date du 23 juillet 2001 [non retrouvée . MVL. Oct.2005] ; 

 

 

 

* Ni Marie-Jo Bonnet ni moi-même n’avons plus jamais été informées des conditions de publication de ce colloque qui devaient paraître aux Editions l’Harmattan fin 2002 ; 

 

 

 

* Je pensais pour ma part que le projet en avait été abandonné, ne pouvant imaginer - sur un plan déontologique, éthique et intellectuel - ni que ce colloque puisse être publié sans nos deux textes, ni que d’autres personnes puissent avoir été sollicitées ;

 

 

 

que nous avons écrit cette lettre et que nous attendons une réponse.

 

 

 

 

 

 

5 °) Enfin, et c’est là l’essentiel, affirmer comme tu me l’as dit hier que Marie-Jo Bonnet et moi-même avions « retiré nos textes » est un déni du réel.

 

 

 

Les lettres adressées par moi-même à Ingrid Galster en date du 6 mars 2000, ainsi que celles adressées à toi même en date du 23 décembre 2000 et du 22 juin 2001 en font foi. 

 

 

 

Sur une position de principe - dont nous avons souvent discuté ensemble - à savoir que le texte de Marie-Jo Bonnet avait été refusé pour publication, j’ai décidé d’être solidaire d’elle.

Et j’ai refusé de cautionner un livre censuré.

 

 

 

Je maintiens et Marie-Jo Bonnet avec moi - que ce livre qui va donc paraître sans nos deux textes est un livre fondé sur une censure.

 

 

 

 

 

 

Avec regrets,

 

 

 

Marie-Victoire Louis



 [1] « Ni de quiconque à quiconque ». Ajout. Oct.2005.

[2] Mémoires d'une jeune fille dérangée. 

 

 

Ajout. Oct. 2005 : « et accablant pour Simone de Beauvoir et Sartre ».

Extraits du site de Marie-Victoire Louis qui contient une partie des archives cette sociologue féministe. Ce sont de grands textes qu’elle a rédigés en son nom propre, c’est-à-dire hors cadre associatif. Elle a souhaité présenter ces textes de grande valeur parce qu’elle a éprouvé le besoin de faire un bilan personnel et politique. Tous (ou presque) concernent l’analyse du système patriarcal, pour Marie-Victoire Louis, indissociable d’une action militante féministe. Ce site est ressource inestimable pour la recherche et la réflexion féministe. De nouveaux textes viendront s’y ajouter parmi lesquels Marie-Victoire Louis souhaite intégrer ceux d’autres auteur-es.

http://www.marievictoirelouis.net/index.html

 

 

 

 

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15 février 2006 3 15 /02 /février /2006 06:10

Marie-Victoire Louis

 

 

 

« Prostituées et hétaïres »

 

 

 

 

 

Pour une analyse critique du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir 

 

 

17 octobre 2005.

 

 

 

 

Ce texte consacré à la critique du chapitre du Deuxième sexe intitulé : « Prostituées et Hétaïres » - comme celui de Marie-Jo Bonnet consacré à la critique du chapitre  intitulé : « La lesbienne » - a été écrit pour être publié dans le livre coordonné par Ingrid Galster intitulé : Simone de Beauvoir : Le Deuxième sexe. Le livre fondateur du féminisme moderne en situation, paru en 2005 aux Editions Honoré Champion. 

 

 

 

 

Ces deux textes ont été censurés.

 

 

 

 

L’histoire et le dossier de cette censure est lisible sur le site de Marie-Victoire Louis (Textes récents).  [1]

 

 

 

 

Ce texte est celui, légèrement remanié, [écrit sans contraintes, trois années après sa première rédaction ] qui aurait dû être publié. [2]

 

 

 

 

***

 

 

**

 

 

*

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I. Le contexte historique ; les sources

 

 

 

a)      Le contexte historique

 

 

 

 

 

Simone de Beauvoir publie ce chapitre quatre ans après l’intervention du 13 décembre 1945 de Marthe Richard au Conseil municipal de Paris [3], où celle-ci demandait la suppression des « maisons de tolérance, ainsi que la police des mœurs » et trois ans après la décision par le gouvernement français, le 13 avril 1946, de fermer les bordels. Elle publie aussi ce chapitre la même année que l’approbation par l’ONU, le 2 décembre 1949, de la Convention des Nations Unies « pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui ». Son préambule, souvent, à juste titre, cité, considérait que « la prostitution et le mal qui l’accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine et mettent en danger le bien-être de l’individu, de la famille et de la communauté ». Après plusieurs siècles d’enfermement des femmes dans des lieux clos où elles étaient maintenues captives pour le bon plaisir des hommes, après plus d’un demi-siècle de critiques du système réglementariste - appelé « système français » - le principe de la condamnation éthique de la prostitution, ainsi que celui de la répression pénale de certaines formes de proxénétisme (articles 1, 2, 3, 4) étaient, pour la première fois, inscrits dans un texte de droit international.

 

 

 

La manière dont Simone de Beauvoir rend compte de ces deux événements majeurs nous donne un premier aperçu de son analyse.

 

 

 

* Simone de Beauvoir n’évoque jamais la convention abolitionniste de 1949, elle-même étant l’aboutissement de dizaines d’années de luttes féministes et/ou abolitionnistes. Certes, celle-ci été approuvée par l’ONU deux mois après la publication du Deuxième Sexe [4], mais elle était discutée depuis 1937 et s’inscrivait à la suite de trois conventions internationales consacrées à la traite des femmes et des enfants, tandis que de nombreuses rencontres internationales au cours du siècle avaient donné lieu à la publication de plusieurs rapports internationaux, souvent de qualité. Or, Simone de Beauvoir était au courant des activités de l’ONU qu’elle évoque à deux reprises dans son livre. On peut lire : « […] dans les dernières discussions sur le statut de la femme, l’ONU n’a cessé de réclamer impérieusement que l’égalité des sexes achève de se réaliser […]  » (D.S, I, p.29)[5], tandis que, plus loin, elle écrit : « Dans la session qu’elle vient de tenir à l’ONU, la commission de la condition de la femme a réclamé que l’égalité des droits entre les deux sexes soit reconnue à travers (sic) toutes les nations et a approuvé plusieurs motions tendant à faire de ce statut légal une réalité concrète ». (D.S, I. p.216)       

 

 

 

* Quant à la loi française de 1946, appelée « Marthe Richard », celle-ci n’est pas évoquée dans ce chapitre. Cependant, ailleurs, à deux reprises, Simone de Beauvoir la critique de manière lapidaire. Dans la deuxième partie du premier tome, intitulé Histoire, dans une note, elle la juge ainsi[6] : après avoir constaté qu’après la décision de cette fermeture - soit 4 ans après le vote de la loi - « la prostitution n’en continue pas moins à s’exercer », elle conclue, sans autre transition : « [….] Ce n’est évidemment pas par des mesures négatives et hypocrites qu’on peut modifier la situation ». (D.S, I, p.226, 227. note 3) Pourquoi le vote d’une telle loi devrait-elle être considérée comme « négative et hypocrite » n’est ni explicité, ni expliqué.

 

 

 

Plus loin, au terme d’une analyse d’une charge grossière à l’encontre des [« moms », assimilées et/ou pas différenciées des féministes] américaines, [7]elle affirme sans en donner les raisons que la loi « qu’a fait voter Marthe Richard ...est un échec » (D.S, II., 420).

 

 

 

Il faut ici noter qu’elle ne procède à aucune analyse du système juridique et politique du système prostitutionnel, et, plus globalement, que la question du droit lui est assez étrangère. 

 

 

 

b) Les sources.

 

 

 

L’analyse des sources qu’elle utilise est partielle et partiale ; elle est par ailleurs signifiante de sa faible connaissance historique du sujet traité : à l’exception d’une allusion dans une note du tome I (D.S, I. p.227) à « la longue campagne abolitionniste » menée en France, aucune référence, dans ce chapitre, n’est faite aux combats abolitionnistes et féministes. Le nom de Joséphine Butler n’est pas cité, pas plus que n’est citée la Fédération Abolitionniste Internationale (F.A.I) qui fut à l’origine des textes internationaux sur la prostitution du XXe siècle ou, pour la France, celui de l’Union Temporaire contre la prostitution réglementée et la traite des femmes (UTCTEH) - branche française de la F.A.I - (1926) et de sa présidente, féministe, Marcelle Legrand-Falco.

 

 

 

Quant aux seules référence à l’histoire incluses dans le premier tome, les voici : à la fin du XIX e siècle, « au contraire [des socialistes], les bourgeoises réclament des droits nouveaux au sein de la société telle qu’elle est et elles se défendent d’être des révolutionnaires ; elles veulent introduire dans les mœurs des réformes vertueuses : suppression de l’alcoolisme, de la littérature pornographique, de la prostitution ». (D.S, I. p.205) Pour Simone de Beauvoir donc, la suppression – et non pas « l’abolition de la réglementation » - de la prostitution qui était la revendication des abolitionnistes - est assimilée celle de l’alcoolisme et de la littérature pornographique est une revendication de bourgeoises réformistes, non révolutionnaires revendiquant des droits fondés sur la défense de la « vertu » des femmes.

 

 

 

Quant on connaît la richesse des analyses féministes et abolitionnistes de la fin du XIX ème siècle et du début du XX ème siècle – publiées notamment dans La Fronde, les textes d’Andrée Téry, Daniel Lesueur, Marguerite Durand, Avril de Sainte Croix , Marcelle Legrand-Falco, Madeleine Pelletier, etc……. [8]- son analyse - si tant est que ce terme puisse être employé - est inacceptable.

 

 

 

On ne trouve non plus chez elle de référence aux très nombreuses dénonciations des abus de la ‘police des mœurs’ et aux campagnes lancées contre cette institution qui faisait peser une menace sur toutes les femmes, [9] pas plus qu’a la revendication, si fréquente dans les Congrès féministes depuis des dizaines d’années, demandant « une seule morale pour les deux sexes ».

 

 

 

 Aucune référence non plus enfin n’est faite aux réformateurs sociaux, ni même aux auteurs marxistes.

 

 

 

Quant au concept d’exploitation, il est intéressant de noter qu’elle l’emploie dans ce chapitre dans quatre acceptions différentes. Elle parle de « femmes qui exploitent à l’extrême leur féminité », (p. 392) et d’ « épouses et d’hétaïres qui […] réussissent à exploiter l’homme […] , (p.377), des prostituées qui sont « exploitées par le souteneur, la taulière » (p.389)et enfin du « du corps, de la personne même des hétaïres comme un capital à exploiter ».(p.391)

 

 

 

En revanche, elle cite, sans les situer dans leur courant de pensée, ni les critiquer, les médecins « hygiénistes », notamment le docteur Brizard, médecin chef du dispensaire de la salubrité de la Préfecture de police [10] et Parent-Duchatelet[11], qui fut le principal théoricien du régime réglementariste ; ses sources en la matière sont donc partiales.

 

 

 

Sur le plan de la psychanalyse, elle se réfère à Anna Rueling, Hélène Deutsch et Steckel.

 

 

 

Ses autres sources littéraires émanent d’auteurs peu connus, à l’exception de Zola pour Nana. Là encore, d’autres sources d’auteurs critiques du système prostitutionnel et de la traite des femmes, connus, Albert Londres, notamment[12] ne sont pas évoqués.

 

 

 

Quant à ses références à la parole même des prostituées, à l’exception du récit de Marie-Thérèse, partiellement publié dans les Temps modernes[13], elles sont pauvres et de seconde main. Elle évoque à cet égard, l’« une de [ses] amies [qui] a longuement causé à l’hôpital Beaujon avec une jeune prostituée, très intelligente », ainsi qu’« une autre de [ses] amies, en 1943, à Fresnes, [qui] était devenue intime avec une prostituée ». (p. 387)

 

 

Enfin, il n’est pas impossible que certains de ses proches lui ont parlé de leurs expériences de ‘clients’ des prostituées, tandis que Nelson Algren lui a sans doute fait part de sa connaissance du « milieu » de la prostitution.



[1] « Dossier concernant la censure dans le livre : Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe. Le livre fondateur du féminisme moderne ». Ouvrage dirigé par Ingrid Galster. Honoré Champion. 2004. 519 p.

 

 

[2] Je tiens aussi à dire que beaucoup d’autres choses pourraient être écrites sur ce sujet, ici, simplement défriché.

[3] Marthe Richard y affirmait notamment : « Aujourd’hui, nous les femmes, nous votons. Nous sommes des citoyennes, libérées de toute tutelle ; nous avons notre mot à dire, les temps ont changé... Il est de notre devoir et de notre souci de défendre nos semblables. L’opinion publique s’émeut. Sa voix s’élève de divers côtés pour réclamer la fin d’une institution qui déshonore notre pays. Il est temps, il est grand temps, de suivre le monde entier sur la voie des grandes réalisations, et d’effacer définitivement de la France cette tare sociale, la maison de tolérance’ . Dans Marthe Richard, Mon destin de femme. Paris, France Loisirs. 1974, p. 333 à 339.

[4] Le dépôt légal du Deuxième sexe est : Troisième trimestre 1949. Le livre sort en novembre.

[5] Les citations de ce texte proviennent de l’édition Gallimard. 1955. D.S.I se réfère au premier tome : Les faits et les mythes ; DS. II au second : l’expérience vécue. Lorsque seule la page est citée, il s’agit du chapitre analysé : « Prostituées et Hétaïres ».

[6] Simone de Beauvoir confond dans cette note la loi française du 13 avril 1946 et le préambule de la convention abolitionniste onusienne de 1949. En outre, elle affirme rapidement que « dans les pays anglo-saxons, la prostitution n’a jamais été réglementée ». Ce qui pose problème, puis qu’elle ne définit pas ce qu’elle entend par ce terme, que les bordels existaient dans les pays anglo-saxons comme en France, et que le mouvement abolitionniste anglais, sous l’impulsion de Joséphine Butler, a été lancé, en 1866, pour s’opposer à la réglementation  de la prostitution.

[7] […] elles n’ont sur la société aucune prise concrète ; elles ignorent les problèmes que posent l’action ; elles sont incapables d’élaborer aucun programme constructif. Leur morale est abstraite et formelle comme les impératifs de Kant ; elles prononcent des interdits au lieu de découvrir les chemins du progrès ; elles n’essaient pas de créer positivement des situations neuves ; elles s’attaquent à ce qui est déjà afin d’en éliminer le mal  : c’est ce qui explique que toujours elles soient contre quelque chose : l’alcool, la prostitution, la pornographie ; elles ne comprennent pas qu’un effort purement négatif est voué à l’insuccès ; comme l’a prouvé en Amérique l’échec de la prohibition, comme celui de la loi qu’a fait voter Marthe Richard. Tant que la femme demeure un parasite, elle ne peut pas efficacement participer à l’élaboration d’un monde meilleur ».

 

 

[8] Textes à paraître.

[9] Cf. Joséphine Butler rencontre le Préfet de police. 1974. Dans « Cette violence dont nous ne voulons plus ». N° spécial « Prostitution ». Mars 1991.

[10] Or, le docteur Brizard « déclarait avec fierté, comme une chose dont on a tout lieu de se vanter, qu’un établissement parisien, ouvert par les soins de l’Administration pour les travailleurs Nord-africains, accueillait le samedi et le dimanche environ mille hommes, mille hommes que se distribuaient les pensionnaires, au nombre de 60 à 80 hommes par femme dans la journée ». Cité dans Maxence Van der Meersch, Femmes à l’encan. Paris. Albin Michel. 1945. p. 20. 

[11] A. Parent-Duchatelet. 1836. De la prostitution dans la ville de Paris. 2 vol. Paris.

[12] Cf. A.Londres, Le Chemin de Buenos-Aires. La traite des blanches. 1927: «  Le milieu est une société d’hommes qui exploitent la femme, comme d’autres exploitent des forêts, des brevets, des mines ou des sources d’eau minérale. C’est une corporation. Que dis-je , c’est un Etat ! […] Ces hommes nouveaux ont renversé nos mœurs, nos coutumes, nos lois et se sont érigé en principauté indépendante : la principauté des affranchis. […] Ils ont fondé, eu aussi, une ligue des Droits de l’homme, mais sur la femme. Ils n’ont pas seulement fait revivre la bigamie, ils l’ont passablement améliorée.[…]. Les citoyens de la principauté des Affranchis ont modernisé le Coran. Eux proclament :Tu n’auras pour femmes que celles qui sont capables de te faire vivre’. Tous les métiers, sauf un leur sont interdits. Leur religion les range parmi les péchés mortels. Sauf un : la mise en valeur de la femme en jachère ». Réédité : UGE-10.18. 1984. p.96, 97.

[13] Vie d’une prostituée. Les Temps modernes. Décembre 1947 et janvier 1948.

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15 février 2006 3 15 /02 /février /2006 06:05

Suite...

 

II. « [….]  La prostituée dont la fonction est exclusivement celle d’un objet érotique » …

 

 

 

 

 

Simone de Beauvoir affirme, dès la deuxième page de ce chapitre, dans une phrase très forte, que «  la prostituée n’a pas les droits d’une personne, en elle se résume toutes les figures à la fois de l’esclavage féminin ». (p. 377) Mais une fois cette position de principe posée, elle ne critique pas le principe selon lequel certaines femmes - les prostituées - aient pour « fonction » d’être « exclusivement celle d’un objet érotique ». (D.S, II, 347)

 

 

 

Sous couvert de ‘descriptions’ qu’elle ne dissocie pas de ses propres jugements  - ce qui pose un grave problème méthodologique et rend le travail critique de l’ensemble du livre extrêmement difficile - celle-ci prend entérine, sans critique, nombre de positions qui justifient la prostitution.

 

 

 

Ainsi, elle ne remet pas en cause le bien fondé de la logique économique en la matière qui veut que la « valeur » de ces femmes dépende de leur capacité à satisfaire la « demande » des hommes. Elle écrit ainsi : « La prostituée qui souhaite acquérir une valeur singulière ne se borne plus à montrer passivement sa chair ; elle s’efforce à des talents particuliers » (p.390), tandis qu’elle affirme, concernant les courtisanes : « Nous avons dit que c’est sa réputation qui lui confère une valeur marchande » (p.391) et emploie, les concernant, l’expression de « fonds de commerce » (Ibid.). Bref, Simone de Beauvoir ne

critique pas le fait que les « rapports (des prostituées) avec la moitié de l’humanité sont de nature commerciale ». (p.386)

 

 

 

Simone de Beauvoir ne conteste donc pas l’institution de la prostitution – et, à l’inverse du mariage, elle ne la considère pas comme telle - et le bien-fondé du postulat qui voudrait, depuis des siècles, que les hommes aient un droit légitime d’accès marchand à une ou des catégories de femmes censées être affectées à cet effet.

 

 

 

Plus encore, lorsqu’elle elle affirme que « la plupart des prostituées […] se sentent, avec raison, intégrées dans une société qui leur réclament leurs services » (p.388), on peut considérer sans trahir sa pensée qu’elle justifie aussi la société qui les « intègre[raient] » ainsi sur ces fondements.

 

 

 

On peut aussi noter une éventuelle contradiction entre l’emploi du terme de « services » - qui, faut-il le rappeler peuvent être, et le sont souvent, pour les femmes notamment, considérés comme devant être gratuits ?  - et celui de « commerce ».

 

 

 

Elle considère aussi - sans questionner, là encore, la contradiction entre cette supposée « fonction » et le fait que celle-ci devrait être rémunérée - que la prostitution soit un « métier » (p.377, 381,386, 389), une « profession » (p.377, 378), et, pour certaines femmes, même si elles y « sont retenues contre [leur] gré », une « carrière » (p. 383).

 

 

 

Certes, elle reconnaît que celle-ci ne « réclame d’elles aucune spécialisation » et qu’elle est « généralement déconsidérée » (p.378), mais elle considère qu’ « en moyenne, ces métiers rapportent beaucoup plus que beaucoup d’autres » (p.378), tout en affirmant, plus loin, que « leur condition matérielle est dans la plupart des cas déplorable. Exploitées par un souteneur, la taulière, elles vivent dans l’insécurité et les 3/4 sont sans argent » (p.389).

 

 

 

Enfin, elle va même jusqu’à affirmer, dans une phrase terrible, que : « la plupart des prostituées sont moralement adaptées à leur condition », constat qu’elle cherche à atténuer en poursuivant : « cela ne veut pas dire qu’elles sont héréditairement ou congénitalement immorales […] » (p.388). Elle en tire alors la conclusion suivante : « Ce n’est pas leur situation morale et psychologique qui rend pénible l’existence des prostituées. C’est leur condition matérielle qui est dans la plupart des cas déplorable » (p. 389).

 

 

 

On peut ici noter que la référence à la « morale » - assimilée à la psychologie… - concerne les seules prostituées et n’est pas critiquée. Et ce, alors que, concernant l’avortement, elle écrit : «  Si la morale y trouve son compte, que penser d’une telle morale ? » ?(D.S. II. p. 292) et qu’elle dénonce « l’hypocrisie du code moral des mâles. Ceux-ci interdisent universellement l’avortement, mais ils l’acceptent singulièrement comme une solution commode ». (D.S. II. p.300)

 

 

 

Simone de Beauvoir - qui ne fait donc pas de distinction entre la vente, la location, le droit d’usage du corps des prostituées et celle de leur force de travail - reconnaît donc que ce « métier » est « pénible » (p.389) , mais ce, uniquement lorsqu’il s’agit de ce qu’elle appelle la « basse prostitution ». Dans ce cas de figure, elle considère que « la femme est opprimée sexuellement et économiquement, soumise à l’arbitraire de la police, à une humiliante surveillance médicale [1], aux caprices des clients, promise aux microbes et à la maladie, à la misère (et) vraiment ravalée au niveau d’une chose.» (p.389).

 

 

 

Et si elle cite des statistiques très graves concernant leur état de santé et la mortalité qui les atteint - : « Au bout de 5 ans de métier, 75 % ont la syphilis, […], près de 25% doivent être opérées par suite de complications blennorragiques .[ …] Une sur 20 a la tuberculose, 60 % deviennent alcooliques ou intoxiquées ; 40% meurent avant 40 ans » (p.389) – ce constat ne vaut pas pour autant condamnation. De fait, Simone de Beauvoir évalue la situation en fonction des « circonstances » (p.386). Elle établit alors une hiérarchisation entre « l’abatage » dont elle reconnaît seulement qu’il « s’accompagne souvent d’une fatigue physique épuisante » (Ibid.), « la passe rapide », « le couché » et « les relations suivies avec un client familier ». Et, dans ce cas de figure, elle cite alors, sans transition, Marie-Thérèse qui « exerçait d’ordinaire son métier avec indifférence, mais [qui]  évoque certaines nuits avec délices ». (Ibid.)

 

 

 

Elle reconnaît aussi que la prostituée est « un bouc émissaire » et qu’elle « est traitée en paria ». (p. 376, 377). Mais ce statut de ‘paria’ – qu’elle emploie dans le Deuxième sexe, à plusieurs reprises, concernant d’autres catégories de populations - ne vaut pas, là non plus, pour autant, condamnation du système : paria elles sont, parias, elles restent.

 

 

 

Significativement, la seule fois où elle fait référence au besoin qu’éprouvent les personnes prostituées de retrouver leur « dignité humaine » s’inscrit non pas dans un projet de construire une autre vie, non pas dans un projet alternatif, non pas dans une critique de refus mais au sein même de la logique du système et dans une vision positive de ‘solidarité’ entre femmes à laquelle une féministe peut difficilement adhérer : « Elles ont profondément besoin les unes des autres pour constituer un ‘contre univers’ où elles retrouvent leur dignité humaine ; la camarade est la confidente et le témoin privilégié ; c’est elle qui apprécie la robe, la coiffure qui sont des moyens de séduire l’homme, mais qui apparaissent comme fins en soi dans les regards envieux ou admiratifs des autres femmes», écrit-elle. (p.386)

 

 

 

Elle porte enfin - sans questionnement, même élémentaire, sur les liens entre causes et effets - des jugements de valeur assez méprisants sur leur ‘intelligence’. Elle évoque l’hypothèse qu’elle considère comme « possible », selon laquelle « le niveau mental des prostituées [serait] un peu en dessous de la moyenne, […] que certaines soient franchement débiles  » et que [d’autres] pourraient avoir des «facultés mentales […] ralenties » (p. 377). Elle croit bon cependant préciser que « la plupart sont normales, certaines très intelligentes » et que, sur elles, ne pèsent « aucune fatalité héréditaire, ni aucune tare physiologique » (p. 377).

De fait, à cet égard, la seule position qu’elle défende avec clarté est de récuser les thèses de Lombroso qui assimilait prostituées et criminelles et les considérait comme des « dégénérées ». 

 

 

 

 

 

La vision des femmes prostituées de Simone de Beauvoir - au contraire de ses analyses sur le mariage et l’avortement - est donc très largement marquée par les jugements de valeurs dominants - qu’elle conforte - de l’époque. Elle reprend ainsi, à plusieurs reprises, à son compte, sans la critiquer, la distinction entre les « femmes honnêtes » et les prostituées, et peut caractériser une femme comme étant « de mœurs faciles » (II.p.113).

 

 

 

Mais ce qu’il faut dire, c’est que son analyse n’a pas la dimension de compassion « humaine » que défendaient nombre de femmes et quelques hommes, et encore moins la dimension critique défendue depuis plusieurs dizaines d’années par les abolitionnistes et par les féministes. Tout au plus, affirme t-elle que cette réalité « condamne une société où ce métier est encore un de ceux qui paraît à beaucoup de femmes comme le moins rebutant ». (p.378)

 

 

 

De fait, alors que pour elle la « tyrannie » (D.S. II. p.262) est au fondement du « mariage », sans distinction de classes, de revenus, de statuts, tout son raisonnement concernant la prostitution est construit sur une opposition entre le sort de « la basse prostituée » qui « fait commerce de sa pure généralité, si bien que la concurrence la maintient à un niveau de vie misérable », et l’« hétaïre qui s’efforce de se faire reconnaître dans sa singularité [et qui], si elle réussit, peut aspirer à de hautes destinées ».  (p.389) 

 

 

 

III. Si l’hétaïre [  ] réussit […] à se faire reconnaître dans sa singularité, elle peut aspirer à de hautes destinées…

 

 

 

Simone de Beauvoir voit dans ces destinées de femmes, incontestablement, des figures positives pour les femmes. Plus encore, elle estime que « par ce chemin, (sic), la femme réussit à acquérir une certaine indépendance » (p.391) et que l’argent « lui assure une certaine autonomie » (p.391) Elle va même jusqu’à écrire plus loin, les concernant : « Il arrive que dans l’argent ou les services qu’elle extorque à l’homme la femme trouve une compensation au complexe d’infériorité féminine ;  l’argent a un rôle purificateur ; il abolit la lutte des sexes ». (p.392)

 

 

 

Évoquant les égéries - significativement mal distinguées, par elle, des « hétaïres » - celle-ci écrit, de manière quasi lyrique : « Elle est plus qu’aucune autre chair et conscience, idole, inspiratrice, muse : peintres et modèles la voudront pour modèle ; elle nourrira les rêves des poètes ; c’est en elle que l’intellectuel explorera les trésors de l’intuition féminine. […] Celles qui sont supérieurement douées ne se contenteront pas de ce rôle d’égérie ; elles sentiront le besoin de manifester de manière autonome la valeur que le suffrage d’autrui (sic) leur confère ; elles voudront traduire leurs vertus passives en activités. Émergeant dans le monde comme sujet souverain, elles écrivent des vers, de la prose, peignent, composent de la musique ». Et Simone De Beauvoir termine ce passage par la valorisation des « grandes favorites », qui, « par l’intermédiaire de leurs puissants amants participèrent au gouvernement du monde ». (p.392)

Et elle poursuit : « Paradoxalement, ces femmes qui exploitent à l’extrême leur féminité se créent une situation presque équivalente à celle d’un homme ; à partir de ce sexe qui les livrent au mâle comme objet, elles se retrouvent sujets. Non seulement elles gagnent leurs vies comme les hommes, mais elles vivent dans une compagnie presque exclusivement masculine ; libres de mœurs et de propos, elles peuvent s’élever - telle Ninon de Lenclos - jusqu’à la plus rare liberté d’esprit ». (p.392)

 

 

Cette vision des femmes – « qui exploitent à l’extrême leur féminité » - et qui de ce seul fait se « créeraient une situation presque équivalente à celle d’un hommes » - pose pour le moins problème, car ce sont bien aux critères de « féminité » définies par les hommes auxquels, selon elle, ces femmes adhèreraient que celles-ci doivent s’adapter. Plus encore, peut-on penser plus grande aliénation des femmes au monde patriarcal que ce qui est ici écrit ici, à savoir que ce seraient les femmes qui sont « livrées au mâle comme objet », celles qui « vivent dans une compagnie exclusivement masculine » qui - elles et elles seules - se retrouveraient  de ce fait « sujets » - et qui plus est - sujets de pensée ?

 

 

 

Là encore, les contradictions de son analyse peuvent être notés.

 Ailleurs, dans le chapitre - beaucoup plus intéressant par ailleurs - intitulé : L’initiation sexuelle, elle écrit dans une analyse critiquable mais et tout état de cause différente de ce qu’elle considère comme valable pour les égéries-hétaïres : « On a déjà dit qu’elle désire en se faisant objet demeurer un sujet. Plus profondément aliénée que l’homme du fait qu’elle est désir et trouble dans son corps tout entier, elle ne demeure sujet que par l’union avec son partenaire […] » (D.S. II. p.162). Et elle écrit aussi dans son Introduction du livre II que «  les femmes aujourd’hui sont en train de détrôner le mythe de la féminité […]  ».

 

 

 

 

 

Simone de Beauvoir, dans cette vision toute idéalisée des hétaïres, révèle ici, à quel point elle s’inscrit dans le monde, les référents, la culture masculine dominante et plus particulièrement celle des hommes dominants.

 

 

 

Certes, elle évoque la dépendance - qui est « leur lot » - des courtisanes aux hommes ; mais elle semble ne pas accorder trop d’importance à cette semi-servitude, car si elle estime qu’« elles ont de l’homme le besoin le plus urgent », elle considère qu’« aucun homme n’est définitivement leur maître ». (p.393)

 

 

 

Elle qui a tant dénoncé l’oppression de l’institution du mariage semble penser que la pluralité des relations avec les hommes - socialement et intellectuellement ‘élevés’  exclusivement  - créerait les conditions de l’autonomie des femmes. Elle écrit en effet, à propos des hétaïres : « Se prêtant à plusieurs hommes, elle n’appartient en définitive à aucun » (p.391).

 

 

 

Peut-être peut-on cependant voir dans cette phrase l’aspiration qui peut être fut la sienne dans sa propre vie  ? 

 

 

 

Il est intéressant, enfin, de comparer ses analyses – sur ce sujet, totalement opposées - de celles défendues par Madeleine Pelletier. Cette dernière considérait en effet que : « La conduite doit être en raison de la situation occupée. Une femme éclairée, une féministe surtout, qui réclame pour la femme une égalité sociale ne doit pas demander sa subsistance à son sexe, car, ce faisant, elle attire sur ses idées la dépréciation que la société attache à sa personne ». Madeleine Pelletier considérait en outre que leur vie « demande à la dignité des sacrifices qui sont incompatibles avec la place que doit prendre dans l’esprit public une femme qui se pose en réformatrice de la société ». [2]

 

 

 

IV. « Le désir masculin, étant non singulier, mais spécifique peut s’assouvir sur n’importe quel corps »…’

 

 

 

 

Simone de Beauvoir globalement ne remet pas en cause cette modalité toute spécifique de ce qui serait le ‘désir’ sexuel masculin. Elle ne critique donc pas ce qui justement fait, pour les femmes et les féministes, problème : « Dans la prostitution, le désir masculin, étant non singulier, mais spécifique peut s’assouvir sur n’importe quel corps » (p.377) affirme -t-elle. Tandis qu’ailleurs, elle écrit : « L’homme cherche autre chose que le plaisir brut ; néanmoins la prospérité de certaines ‘maisons d’abattage’ suffit à prouver que l’homme peut trouver quelques satisfaction avec la première femme venue » (D.S, II, 208. note 1).

 

 

 

Aussi, faute d’interrogation critique plus approfondie sur les fondements patriarcaux de la prostitution, citant Parent Duchatelet, elle reprend, entérine alors les analyses censés expliquer la prostitution (des femmes) par la misère (des femmes…ou des hommes ? … ) : elle estime en effet que « le manque de travail et la misère » [est] « la cause la plus active » de la prostitution (p.378).

 

 

 

Certes, elle procède à certaines critiques de ce type de relations sexuelles marchandes,  mais celles-ci sont ponctuelles et circonstanciées. Elle évoque :

- L’hypocrisie des hommes : « L’homme se délivre sur elle de sa turpitude et il renie [ la prostituée] » écrit-elle (p.377).

 - Certaines des manifestations, très sélectives, des violences à l’encontre des prostituées :« A Madrid, voici quelques années, une jeunesse fasciste et dorée s’amusait à jeter les prostituées dans le fleuve, par les nuits froides; en France, des étudiants en gaieté emmènent parfois des femmes dans la campagne pour les y abandonner à la nuit, entièrement nues » (p.384).

- Certains ‘clients’. Elle constate que certains « assouviraient volontiers sur la femme leur sadisme.» (p.384)

 

 

 

Le vocabulaire qu’elle utilise concernant les « clients » mérite, à cet égard, d’être analysé. Elle emploie les termes de « turpitude » (p.376) et de « vice » (p.386) qui dévoilent une désapprobation toute morale, non explicitée, de certaines ‘pratiques sexuelles’, par ailleurs non qualifiées. Elle emploie aussi, les concernant, les termes de « caprices » (p.389), de « fantaisies » (p. 387) qui relèvent du domaine de l’égarement, du futile et de l’inessentiel, mais aussi de l’irresponsabilité des hommes, dans un domaine - leurs relations avec les femmes - où la ‘raison’ n’aurait pas de part. Elle emploie enfin le terme de « manies » (p.440), qui relève du domaine de l’habitude, bizarre et/ou familière.

 

 

 

De fait, sa critique est essentiellement centrée sur l’hypocrisie du regard social : « On considère comme perverses et débauchées les filles qui vivent de leurs corps et non pas les mâles qui en usent » écrit-elle (p.440) et non pas sur la réalité du vécu de ces femmes et de l’institution - codifiée par la loi - qui les fait « prostituées » pour le bon usage des hommes. 

 

 

 

Simone de Beauvoir utilise donc, là encore, sans critique, l’expression de « marché » (p.387, 441) et de « commerce » qu’elle qualifie d’ « intime »(p.391). Elle emploie enfin l’expression de « consommer  » (p. 384), entérinant ainsi - alors qu’elle en a critiquée par ailleurs l’hypocrisie - la logique de chosification des prostituées : « Les clients seraient heureux de pouvoir consommer sans payer » (p. 384), écrit-elle.

 

 

 

Dernier point. Il faut aussi noter que celle-ci met sous la bouche des prostituées nombre de critiques (des agissements, notamment sexuels) de nombre d’hommes

L’une d’entre elles affirme qu’« à cause de ces vices, elle les détestait » (387) ; une autre parle des « hommes qui se conduisent comme des brutes » (388) ; une troisième « comme des bêtes sauvages méritant les pires traitements » (388). Simone de Beauvoir parle aussi de « la rancune dégoûtée à l’égard des hommes » que « certaines éprouvent », mais aussi du fait qu’elles sont « écœurées de leurs vices »(p.386).

 

 

 

On peut peut-être se demander si celle-ci n’a pas utilisé ce moyen pour émettre des critiques des hommes qu’elle n’aurait peut-être pas pu assumer seule.

 

V…. «  [Le Julot] joue dans la vie de la fille un rôle protecteur »

 

 

 

Simone de Beauvoir - en toute logique, dès lors qu’elle n’a pas contesté le principe même sur lequel se fonde le système prostitutionnel - ne conteste pas non plus en lui-même le proxénétisme, c’est-à-dire le droit pour une personne physique ou morale de vivre des revenus de la domination, de l’appropriation et donc de l’exploitation légitime des sexes et des corps. Plus encore, celle-ci, sans la nier, sous-estime considérablement la violence du proxénétisme et des proxénètes.

 

 

 

Pour qualifier ces hommes, elle emploie en outre une terminologie qui relève souvent du registre de l’amour et du couple ; elle parle notamment d’« amant », d’« amant de coeur » (p.386). Et, concernant leurs relations avec les prostituées, elle utilise des expressions telles que : « libre tendresse » et « étreintes amoureuses » qu’elle oppose aux « étreintes professionnelles » (p.386).

 

 

 

Enfin, lorsqu’elle évoque plus précisément leur ‘rôle’, elle les traite, de manière peu critique, de « Julot » (p.384), de « protecteur » (p.390, 441), de « souteneur » (p. 385).

 

 

 

Certes, elle peut le[s] qualifier d’« autoritaire [s]» (p.385), évoquer le fait que les prostituées « n’ont, parfois, pour lui, qu’hostilité et rancune » et que c’est « par peur qu’il les tient, qu’elles demeurent sous sa coupe » (p.384-385) ; elle peut même reconnaître que « le souteneur ou la maquerelle […] recueillent la plus grande part de ses bénéfices et dont [la prostituée] n’arrive pas à se libérer » et qu’ils se sont donc « acquis des droits sur elle » (p. 383). Mais celle-ci, après avoir constaté ces « droits » acquis sur la personne même des personnes prostituées par eux, n’en tire pas, pour autant de jugements féministe critique. 

 

 

 

Plus encore, au nom d’une analyse de la « situation », de « l’expérience vécue » [3]des prostituées, Simone de Beauvoir ne conteste pas leur rôle, leur fonction qu’elle analyse fort positivement : « Il lui avance de l’argent pour s’acheter des toilettes, ensuite il la défend contre la concurrence des autres femmes, contre la police - il est parfois lui-même un policier - contre les clients....Pour toucher son argent, éviter les mauvais traitements, la prostituée a besoin d’un homme. Il lui apporte aussi un appui moral ». (p.384)

 

 

 

Elle écrit aussi : « Dans la violence de leur mâle, elles voient le signe de sa virilité et se soumettent à lui avec d’autant plus de docilité ». (Ibid).

 

 

 

Elle écrit enfin: « C’est un lieu commun - et semble-t-il une vérité - que la prostituée est fière d’être battue par son homme: mais ce n’est pas l ’idée de sa personne battue et asservie qui l’exalte, c’est la force, l’autorité, la souveraineté du mâle dont elle dépend....La femme qui se soumet avec plaisir à des caprices masculins admire aussi dans la tyrannie qu’il exerce sur elle l’évidence d’une liberté souveraine... » (T.II, p.488)

 

 

 

Simone de Beauvoir manifeste donc une certaine complaisance par rapport à ces hommes qui pourtant considèrent « les femmes comme un capital à exploiter » (p.391) [à propos des hétaïres]. Dans l’ensemble du livre, je n’ai relevé qu’ une seule référence factuelle de la violence proxénète : à la fin du deuxième tome, elle raconte une histoire de deux jeunes femmes qui, avides de « voir la vie » avaient été « invitées à souper par deux séduisants maquereaux de Montmartre »..et qui s’étaient « retrouvées dévalisées, brutalisées et menacées de chantage ». (D.S, II, p.530)

 

 

 

Quant au droit de cuissage, Simone du Beauvoir, dans une vision quasi caricaturale de refus de critique des agissements patronaux, assure - sans preuve - qu’« il est assez rare que ce soit - comme le veut la légende, le patron lui-même qui joue ce rôle » - qu’elle qualifie par ailleurs « d’initiateur » - : mais, concède t-elle, « c’est souvent son fils ou son neveu ou un des ses amis » (p. 379).

Elle procède aussi à un quasi-déni, sans preuve là non plus de la « traite des blanches », dont « les cas… sont relativement rares ». (p.383)

 

VI. Conclusion

 

 

 

Alors, qu’à un moment du livre, Simone de Beauvoir avait posé un lien - entre «la structure du mariage » et « l’existence des prostituées », comme étant la preuve de « l’absence de réciprocité entre la femme et l’homme » : dans les deux cas, «  la femme se donne, l’homme la rémunère et la prend » (D.S. II. p.134) - elle abandonne cette réflexion dans ce chapitre. 

 

 

 

Les critiques fortes de Simone de Beauvoir concernant « l’institution du mariage » (D.S. II. p.195), « originellement pervertie » (D.S. II. p.286), ne se retrouvent pas, on l’a vu, dans ses analyses de la prostitution.

 

 

 

Rappelons qu’elle avait critiqué le mariage comme « une destinée » (D.S. II. p.195) pour les femmes, dont le « principe est obscène parce qu’il transforme en droits et en devoirs un échange qui doit être fondé sur un élan spontané ». (D.S. II. p.225) Elle avait aussi écrit que «  livrer la femme au mari, c’est cultiver la tyrannie » (D.S. II. p.262) et avait poursuivi  en affirmant que « la femme a honte de se sentir livrée à quelqu’un qui exerce sur elle un droit » (Ibid).

 

 

 

Elle avait enfin écrit : « La vérité, c’est que l’amour physique ne saurait être traité ni comme une fin absolue, ni comme un simple moyen ; il ne saurait justifier une existence : mais il ne peut recevoir aucune justification étrangère. C’est-à-dire qu’il devrait jouer en toute vie humaine un rôle épisodique. C’est-à-dire qu’avant tout il devrait être libre ». (D.S, II. p.228)

 

 

 

Force est donc de constater que ses critiques n’ont plus cours dans ce chapitre et que le concept de ‘liberté’ ici employé ne concerne pas, pour elle, les personnes prostituées.

 

 

 

En outre, Simone de Beauvoir - alors qu’elle avait estimé que, dans le mariage, « la tutelle masculine (était) en voie de disparition » - n’inscrit pas la disparition de la prostitution comme un devenir souhaitable pour les femmes. Elle écrit, simplement, dans une note[4], sans autre précision : « Pour que la prostitution disparaisse, il faudrait deux conditions : qu’un métier décent fût assuré à toutes les femmes ; que les mœurs n’opposent aucun obstacle à liberté de l’amour » (p.389).

 

 

 

Le droit des hommes aux femmes prostituées - au cœur, au fondement de l’institution  - n’est donc pas remis en cause. On peut même dire qu’elle le légitime.  

 

 

 

De cette contradiction entre ses jugements sur le mariage, sur la maternité et ceux sur la prostitution, on peut poser comme hypothèse que sa critique du pouvoir masculin s’est essentiellement centrée sur les manifestations de ce pouvoir sur le corps re-producteur des femmes, sur le mariage et la maternité. De fait, les pages qu’elle consacre à l’avortement sont sans doute les plus engagées et les plus féministes de son livre.

 

 

 

On donc peut considérer que l’impasse théorique féministe de Simone de Beauvoir concerne la focalisation de son analyse féministe à la critique du mariage et de ses conséquences, à savoir l’affectation des femmes à la reproduction, alors que la dépendance sexuelle des femmes - plus particulièrement de  certaines d’entre elles - à tous les hommes, elle, n’est pas remise en cause.

 

 

 

Si elle a justement affirmé : « ce monde a toujours appartenu aux mâles » (D.S, I, p. 107) [5], sa critique s’est essentiellement centrée sur le malheur pour les femmes « d’avoir été biologiquement vouée (au mariage et ) à la maternité ». (Tome I., p.112)

 

 

 

De fait, Simone de Beauvoir ne critique pas dans ce chapitre - mais elle le fait partiellement dans les chapitres précédents consacrés à L’enfance, La jeune fille, L’initiation sexuelle - la construction historique de la sexualité masculine. Pour elle, celle-ci relève d’un besoin biologique, fondé sur ce qu’elle considère comme « un privilège ; celui de la force physique ». (D.S, I. p.108)

 

 

 

Déshistoricisée, la sexualité masculine n’est, dans ce chapitre, pas analysée dans ses relations avec le pouvoir viril, avec le pouvoir de domination, avec la violence de cette domination, qu’elle analyse – et ce alors qu’elle analyse« la première pénétration sexuelle », « toujours un viol » (D.S. II. p.122) -  dans une logique que l’on peut qualifier de classe : « Dans certains milieux, il arrive que l’homme frappe son épouse avec de vrais coups ; dans d’autres, précisément parce qu’il est le plus fort et que son poing est un instrument efficace, il s’interdit toute violence ». (D.S. II. p. 435) 

 

 

 

Le féminisme de Simone de Beauvoir, comme processus collectif de libération des femmes s’est donc construit sur cette impasse, à savoir que sa critique de la sexualité masculine s’est globalement maintenue dans le cadre même de ses manifestations socialement et sexuellement dominantes.

Elle n’a donc pas pu remettre en cause la prostitution comme « un droit de l’homme ».

Elle n’a donc pas pu penser un féminisme qui concernerait toutes les femmes sans exception. À l’inverse, en distinguant les femmes dites honnêtes des femmes dites prostituées, et, parmi les personnes prostituées, en les distinguant les unes des autres, sans vouloir voir ce qui unit toutes les femmes - à savoir que nous vivons toutes dans un monde patriarcal dont le système prostitutionnel est le fondement - Simone de Beauvoir a ouvert la voie aux analyses qui aujourd’hui peuvent s’affirmer féministes tout en cautionnant le bien fondé du système prostitutionnel.

 

 

 

 

 

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15 février 2006 3 15 /02 /février /2006 06:00

Bibliographie sélective. 

 

 

* Joséphine Butler, Une voix dans le désert. 1871. Réédité par la FAI. Genève. 1905. 48 p.

* Joséphine Butler, Souvenirs personnels d’une grande croisade. Précédé d’une préface d’Yves Guyot. Paris. Librairie Fischbacher. 1900. 2 tomes.

* Bebel Auguste, La femme dans le passé, le présent et l’avenir. 1891. Réédité en 1979. Slatkine Reprints. Genève. Préface d’Anne-Marie Sohn. Cf., Chapitre 12, II ème partie. La prostitution est une institution sociale nécessaire du monde bourgeois.

*  « Cette violence dont nous ne voulons plus ». No Spécial : Prostitution. Mars 1991. Publié par l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT)

* Corbin Alain. Les filles de noce, Misère sexuelle et prostitution au XIX ème siècle. Paris. Champs. Flammarion. 1982.

* Daubié Julie, La femme pauvre au XIX ème siècle. 1869. Tome II. Réédité par les Editions Côté-femmes. 1993. Cf. lois répressives.

* Maria Deraismes Maria, Eve dans l’humanité. I880 Réédité par les Éditions côté-femmes.1990. Cf ., Discours de Maria Deraismes au Grand meeting international sur la police des moeurs. 1880..

* Gemähling Paul, La faillite d’un système. La réglementation de la prostitution jugée d’après le faits. Édition du « Relèvement social ». (sans date. 1926?)

* Paul Gemähling Paul, Le proxénétisme en France, Les scandales de la prostitution réglementée. Paris, Ed de l’Union temporaire. (sans date)

* Guyot Yves, La prostitution, Paris. 1882

* Käppeli Anne-Marie, Sublime croisade. Éthique et politique du féminisme protestant. 1875-1928. Éditions Zoe. Collection Histoire. Genève. 1990.

* Legrand-Falco Marcelle, Pourquoi je suis féministe ? Discours prononcé le 14 février 1931. In, Séverine Dard. L’Union temporaire contre la prostitution réglementée et la traite des femmes. 1926-1946. Mémoire de maîtrise d’histoire. Université Paris I.

* Legrand-Falco Marcelle, La réglementation de la prostitution. Ses origines. La traite des femmes et la SDN. Édition de l’ « Union Temporaire ». 1932.

* Londres Albert, Le chemin de Buenos Aires, Paris, Albin Michel. 1927. Réédité sous le titre, La traite des blanches. Paris U.G.E. Coll. 10/18. 1984

* Louis Marie-Victoire, Sexualité et prostitution. In : Madeleine Pelletier. (1974-1939), Logique et infortunes d’un combat pour l’égalité. Sous la direction de Christine bard. Ed. Côte-femmes.  1992. p. 109 à 125.

* Docteur Parent-Duchatelet, De la prostitution dans la ville de Paris considérée sous le rapport de l’hygiène publique, de la morale et de l’administration. Paris, 1867. 2 vol. 

* Pelletier Madeleine, La rationalisation sexuelle. Paris, Editions du Sphinx. 1935. 

* Philippon Odette, Le trafic des femmes. Paris, Pierre Terqui, Ed. 1960.  

* Richard Marthe, Mon destin de femme. Paris, Robert Laffont. 1974.

* Van der Meersch Maxence, Femmes à l’encan. Paris. Albin Michel. 1945. 

Source : http://www.marievictoirelouis.net/index.html

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15 février 2006 3 15 /02 /février /2006 05:30

Dimanche 18 juin 06 - 11h

Danielle Sallenave & Simone De Beauvoir
 
  


Quand prime le spirituel, Inédits de Simone de Beauvoir lus par Evita Ayguavives
en lien avec le Marathon des Mots


Tous les livres de Danielle Sallenave

Tous les livres de Simone De Beauvoir

Quand prime le spirituel, Inédits de Simone de Beauvoir lus par Evita Ayguavives et présentés par Danielle Sallenave.

Ce tout premier livre de Simone de Beauvoir ne fut publié que quarante ans plus tard, en 1979. Il est réédité cette année en poche par Gallimard. Danielle Salenave, auteur de nombreux romans et essais (publiés par Gallimard) rend ici hommage à une combattante et à une femme de lettres qu'elle aime.

Source : http://www.ombres-blanches.fr/pub/rdv/detail.php?id_message=671

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15 février 2006 3 15 /02 /février /2006 05:20

La lesbienne selon Simone de Beauvoir et Nicole Brossard: identité ou figure convergente?



Par Marie Couillard

Cet article a été posté dans la rubrique lesbianisme, vous pouvez le lire ici.

 

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