Mariage pour tous : Noël Mamère dénonce la "capitulation" de Hollande
Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 21.11.2012 à 09h09 • Mis à jour le 21.11.2012 à 12h20
Le président François Hollande a reconnu, mardi 20 novembre, "la liberté de conscience" aux maires, dont certains refusent de célébrer des mariages entre personnes du même sexe si la loi le prévoyant est votée. "Les débats" que suscite le projet de loi "sont légitimes dans une société comme la nôtre", a admis M. Hollande devant le congrès des maires de France. "Les maires sont des représentants de l'Etat et ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer mais des possiblités de délégation [d'un maire à ses adjoints] existent, elles peuvent être élargies", a-t-il affirmé, soulignant qu'"il y a toujours la liberté de conscience". "La loi s'applique pour tous dans le respect néanmoins de la liberté de conscience", a-t-il insisté.
Noël Mamère (EELV), qui fut le premier en France à célébrer symboliquement un mariage homosexuel dans sa mairie de Bègles, qualifie de "capitulation" la reconnaissance par François Hollande de cette liberté de conscience pour les maires. C'est "un recul, une soumission, une esquive", s'indigne le député dans une interview à Libération. "Cela signe la victoire idéologique de la droite." "Cela ressemble beaucoup à une capitulation en rase campagne", insiste-t-il, jugeant qu'"en cédant aux maires les plus ultra, François Hollande fait preuve d'une mollesse politique inexplicable". L'élu girondin relève que dans une commune, "le maire dispose de toutes les délégations. Il peut refuser de célébrer le mariage et refuser d'accorder une délégation pour que ses adjoints le fassent. Il peut aussi leur donner une délégation spécifiant qu'elle vaut pour les mariages hétéros et pas homos. On serait dans une pratique au cas par cas", fait- il valoir. Citant le droit de vote des étrangers, le cannabis ou "le droit à mourir dans la dignité", il juge "ce recul révélateur d'une gauche de 2012 frileuse sur les sujets de société".
Le Parti communiste français (PCF) reproche à François Hollande d'avoir introduit "une clause de conscience pour les maires qui refuseraient de célébrer des mariages de couples de même sexe. Cette proposition est scandaleuse. Elle est humiliante pour les couples de même sexe qui aspirent à l'égalité. Surtout, elle constitue un recul terrible du président de la République sous la pression des lobbies réactionnaires qui se sont exprimés ce week-end, souvent de manière violente. Le PCF n'admet pas que la loi sur le mariage pour tous puisse souffrir d'exception".
Pour le Parti de gauche, "il est plus que temps que François Hollande arrête de vouloir satisfaire tout le monde, celles et ceux qui ont voté pour lui et ceux qui sont farouchement contre l'égalité devant le droit au mariage au nom d'une idéologie profondément réactionnaire, voire homophobe. Le Parti de gauche appelle François Hollande à se reprendre. Car à n'avoir aucun courage politique et à reculer tous les jours un peu plus devant l'offensive des milieux rétrogrades et réactionnaires, François Hollande risque d'inscrire son mandat sous le signe de la capitulation !".
POUR COPÉ, LE PRÉSIDENT EST "MAL À L'AISE"
Jean-François Copé, président de l'UMP, affirme, mercredi, que les dernières déclarations du président François Hollande sur le mariage homosexuel constituent "un vrai début de recul". "Cette manière de dire en passant, dans un discours dans lequel on attendait tout sauf ça, cette évocation de la clause de conscience – pourquoi sur ce sujet plus que d'autres ? – m'amène à dire qu'il y a probablement un début de recul, un vrai début de recul. Je le vois plus comme un recul que comme un apaisement", a-t-il déclaré lors de sa première conférence de presse en tant que président de l'UMP.
Mardi soir, sur TF1, il affirmait que François Hollande montrait qu'il était "très mal à l'aise". "Je le comprends. Il a vu des dizaines et des dizaines de milliers de Français dire leur inquiétude, leur incompréhension. Il n'y a absolument pas de débat (...) Il faut que François Hollande sache que c'est un projet – celui du mariage homosexuel mais surtout celui de l'adoption – qui est en train de vraiment fracturer la cohésion de la société française. Car derrière, c'est la question de parentalité" qui est posée, a-t-il dit, soulignant que ce projet prévoyait "une mise à néant du code de la famille".
Laurent Wauquiez (UMP) accuse, mercredi, le président François Hollande d'avoir "acheté le silence des maires" en leur concédant l'objection de conscience sur le mariage homosexuel. Mardi, lors de cette annonce par le chef de l'Etat devant l'Association des maires de France, "j'étais dans la salle", a relaté le maire du Puy-en-Velay, sur Canal +. "Il fallait se pincer pour y croire. Ça donne une impression incroyable de cafouillis." "Les maires demandaient un débat", "une vraie consultation" et "on leur lâche ça avec le sentiment, au fond, que c'était pour acheter leur silence", déplore l'ex-ministre. "Cela veut dire quoi 'liberté de conscience' ?" demande-t-il à propos de la formule employée par le président. "Soit, comme on nous le dit, ce projet ne présente absolument aucun problème et alors il n'y a aucune justification à une liberté de conscience", poursuit M. Wauquiez. "Soit, s'il pose des problèmes si graves que l'on considère – c'est rarissime – que les maires ont droit à une liberté de conscience, alors il n'y a pas de place pour un passage en force et il faut vite se remettre autour de la table pour trouver des solutions d'apaisement", demande-t-il.
PAS DE RECUL, SELON LE PS
Najat Vallaud-Belkacem, s'est insurgée mardi soir contre les propos de Jean-François Copé. "C'est dans le mensonge que le nouveau président de l'UMP a choisi d'engager son nouveau mandat", a dit la porte-parole du gouvernement. Sur le plateau de TF1, M. Copé a dit de nouveau que le projet du gouvernement ouvrant le droit au mariage à deux personnes du même sexe conduirait au remplacement des mots "père" et "mère" par "parent A" et "parent B". "C'est faux : il n'a jamais été question de supprimer les mots 'père' et 'mère', qui figureront toujours dans le code civil après l'adoption de la loi, a répliqué Mme Vallaud-Belkacem. M. Copé ne trouve rien d'autre à répondre à ce projet de loi qu'une contrevérité pour faire peur aux Français. Ce n'est tout simplement pas digne du débat en cours."
La célébration du mariage "pour tous" sera assurée "dans chaque commune de France au nom de l'égalité des droits", a affirmé mercredi la garde des sceaux, Christiane Taubira. Le droit au mariage dans la commune de l'un des époux, "inchangé depuis 1804, ne connaîtra aucune dérogation", déclare la ministre dans un communiqué, alors que le président de la République avait évoqué mardi l'éventualité d'"élargir" les possibilités de délégation offertes aux maires.
A la sortie du conseil des ministres, Vincent Peillon, le ministre de l'éducation a demandé aux "progressistes" de se "mobiliser" au lieu de "couiner". "On va avoir au mois de janvier une avancée considérable qui est dans la cohérence totale de la politique que nous menons, c'est à dire une politique de justice et d'égalité". "Il y a une grande avancée. Nous allons faire ce mariage et tous les autres qui commentent, qui critiquent, sont maladroits", a-t-il estimé.
Harlem Désir, premier secrétaire du PS, a assuré mercredi qu'il n'y avait pas de recul sur le mariage homosexuel."Le président de la République a rappelé hier que le droit au mariage pour tous serait garanti partout, dans toutes les communes", a indiqué l'eurodéputé, sur Radio classique et Public Sénat. "Il a rappelé simplement que les maires ont la possibilité de déléguer, comme ils le font déjà, à leurs adjoints ou d'autres membres du conseil municipal, la célébration d'un mariage", a poursuivi M. Désir. "Il a donc voulu à la fois dire que la loi devrait s'appliquer d'une façon universelle – il défend ce mariage pour tous, c'est un progrès de l'égalité, une protection pour toutes les familles –" et "il a voulu s'assurer que partout, dans toutes les municipalités, ce droit au mariage soit effectif". "L'Etat en est le garant, la loi sera bien appliquée partout", a insisté M. Désir.
Nicole Bricq, la ministre du commerce extérieur, a relativisé la reconnaissance de "la liberté de conscience" des maires. "Le maire fera comme d'habitude", a dit Mme Bricq lors de l'émission télévisée "Preuves par 3" Public Sénat/AFP. "Les maires ne font pas tous les mariages, a-t-elle souligné. Actuellement, un maire choisit de célébrer un mariage en accord avec ceux qui lui demandent explicitement." Avec le mariage homosexuel, "il fera pareil, si c'est sa conscience qui lui dicte [de ne pas le célébrer], il ne le clamera peut-être pas sur tous les toits, mais il aura la liberté de faire ou de ne pas faire un mariage, comme aujourd'hui". "Mais la loi passera, elle sera appliquée et je considère que c'est un accès à l'égalité pour ceux qui l'ont demandée", a-t-elle souligné.
UNE "RECULADE" ET UN "TRÈS MAUVAIS SIGNE"
Les associations de défense des homosexuels se sont dites estomaquées des propos de François Hollande. "C'est une expression inattendue", a estimé Nicolas Gougain, porte-parole de l'association Inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans). "Je ne comprends pas comment on pourrait justifier qu'une loi ne s'applique pas de la même manière partout sur le territoire de la République." "On est un peu stupéfait", a renchéri Elisabeth Ronzier de SOS homophobie, évoquant un "très mauvais signe" et une "reculade" du chef de l'Etat.
De même, la sénatrice centriste Chantal Jouanno, favorable au projet de loi, a jugé que le président ouvrait "une brêche extrêmement dangereuse dans notre Etat de droit". "Qu'il y ait une liberté de conscience pour le vote au Parlement, oui, pour l'application de la loi, non", a-t-elle ajouté sur Public Sénat.
A l'inverse, les opposants au mariage homosexuel se frottaient les mains. "Le mariage pour tous ne sera pas le mariage par tous !" s'est réjoui le député et maire UMP Patrick Ollier. "Ce premier pas en arrière prend en compte quelque chose de légitime", a ajouté le maire du 8e arrondissement de Paris, François Lebel (UMP), qui avait créé la polémique en déclarant que le mariage homosexuel ouvrirait la porte à la polygamie, à l'inceste et à la pédophilie.
"Il faut aller vers une alliance civile, mais François Hollande doit renoncer au mariage homosexuel", estime pour sa part Xavier Bertrand.
Pour Alain Escada, de l'institut Civitas, proche des catholiques intégristes, "ce premier recul de François Hollande prouve que la mobilisation en cours commence à porter ses fruits".
Source : http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/11/21/mariage-pour-tous-noel-mamere-denonce-la-capitulation-de-hollande_1793508_3224.html