Le droit au mariage et à l'adoption pour les homosexuels bouscule les partis
LE MONDE | 12.06.06 | 13h19 • Mis à jour le 12.06.06 | 14h21
Le débat sur le droit des homosexuels au mariage et à l'adoption est ouvert dans le cadre de l'élection présidentielle de 2007. Le mariage entre personnes du même sexe est déjà légal dans six pays européens - la Suède a été la première à l'autoriser en 1994 -, et l'adoption autorisée dans sept pays de l'Union. En France, les responsables politiques évoluent : la gauche s'engage dans cette voie, et à droite, la réflexion est ouverte.
En 2004, Dominique Strauss-Kahn avait été le premier présidentiable du PS à se déclarer favorable à la reconnaissance du mariage et de l'adoption pour les couples homosexuels, s'attirant les remontrances de Lionel Jospin. Depuis, le PS a inscrit cette réforme dans son projet pour 2007.
Ségolène Royal, qui a accordé un entretien sur le sujet au mensuel gay et lesbien Têtu, à paraître le 20 juin, avance par petites touches, elle que l'on présentait parfois comme "réac" sur la famille. Si elle dit préférer "l'union" au mariage - elle n'est d'ailleurs pas mariée à François Hollande -, Mme Royal appliquera le projet socialiste sur les nouveaux droits des homosexuels. Mais elle veut le faire "avec tact", au nom de la "lutte contre les discriminations".
La présidente de la région Poitou-Charentes, candidate à l'investiture de son parti, rappelle qu'elle avait créé en 2002, lorsqu'elle était ministre déléguée à la famille, la délégation d'autorisation parentale, qui a bénéficié par la suite à des couples homosexuels. En toute connaissance de cause, "mais sans le crier sur les toits". Concernant l'adoption, la socialiste considère que "ce qui compte, c'est le projet familial, comme pour les hétérosexuels". "A être trop tonitruants sur le sujet, on risque de fermer l'adoption dans certains pays d'origine, avertit-elle. Il faudra des discussions diplomatiques." Mme Royal est bien plus réticente sur l'insémination artificielle : " Cela pose des problèmes de réglementation et suppose le consentement des donneurs."
"Sa façon d'agir, c'est d'y aller par étape, pour emporter l'adhésion de la société", affirme l'ex-Vert Christophe Girard, adjoint au maire de Paris, qui travaille avec elle. Auteur d'un livre, Père comme les autres (Hachette Littératures) dans lequel il expose son expérience de père homosexuel, il dit avoir reçu de nombreux messages de soutien, y compris de la part d'"élus UDF et UMP".
A droite, où l'on ironise sur le "grand écart de Mme Royal", la rapporteure de la mission de l'Assemblée sur la famille et les droits des enfants, Valérie Pecresse (UMP, Yvelines), estime que, "très majoritairement", l'UMP est contre le mariage et l'adoption des couples homosexuels. Mais elle reconnaît que, sur ces thématiques, "les évolutions intervenues au niveau européen ont affaibli les résistances". Dans son rapport du 25 janvier, la mission a considéré qu'il n'était pas possible de "lever un interdit sur le mariage des couples de même sexe sans également lever celui sur l'adoption". Elle s'était prononcée pour un statu quo et estimé que l'assistance médicale à la procréation ne pouvait pas être ouverte aux couples de même sexe.
L'UMP tiendra bientôt une convention sur la famille et ce n'est qu'à son issue que le parti de Nicolas Sarkozy arrêtera sa position. Le président de l'UMP, qui a récemment dîné avec la joueuse de tennis Amélie Mauresmo et sa compagne, confie avoir pris conscience de certaines réalités. A ceux qui se sont entretenus de ce sujet avec lui, il recommande d'avoir "une réflexion ouverte". "Nicolas est moins fermé qu'il ne l'a été au moment de l'adoption du pacs", reconnaît Nadine Morano. La députée UMP de Meurthe-et-Moselle milite pour "une adaptation de la législation", qui passerait par une modification de l'article 365 du code civil sur les droits de l'adoption.
"Je ne sais pas jusqu'oùira la droite, elle va certainement faire des contorsions, mais je me battrai de toutes mes forces pour affirmer l'altérité comme fondement de la société", assure Christine Boutin, députée UMP des Yvelines. La présidente du Forum des républicains sociaux avoue avoir "évolué depuis 1999, au moment du pacs". "Nous ne sommes plus dans une opposition entre homosexuels et hétérosexuels, mais dans un choix de société", soutient-elle.
Isabelle Mandraud et Patrick Roger
Article paru dans l'édition du 13.06.06
Source : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-782321,0.html?xtor=RSS-3208