Europe et lutte contre les discriminations : quand Xavier Bertrand flingue les promesses de Nicolas Sarkozy
Officiellement, la France soutient un projet de directive contre toutes les discriminations. Mais pas Xavier Bertrand. Problème : c'est lui qui représente la position de la France devant ses partenaires européens...
La commission Barroso a mis à l'étude un projet de directive contre les discriminations, dont l'objet est d'ouvrir les protections aujourd'hui réservées à la lutte contre le racisme aux autres discriminations, notamment celles liées à l'âge, à l'orientation sexuelle, au handicap ou aux croyances. Accès aux biens et aux services, accès à la santé, à la protection sociale, à l'éducation, au logement : sur tous ces champs d'application, José Manuel Barroso avait promis il y a quelques années une uniformisation par le haut du droit européen.
Pour de nombreux États, les conséquences n'en seraient pas neutres, puisqu'une telle directive les obligerait à adapter leur droit interne. Ceci explique peut-être la fraîcheur avec laquelle cette initiative est accueillie. Au point que la Commission, qui n'a pas pour habitude de présenter des directives qui finiraient retoquées par les États, hésite et envisage une directive centrée sur les seules discriminations liées au handicap, afin que la pilule ne soit pas trop grosse à avaler.
La position de la France, elle, semble limpide. En la matière, à la veille de la présidence française de l'Union européenne, c'est la cellule diplomatique de l'Élysée qui a la main. La doctrine du Président se veut claire et lisible : pas question de tolérer qu'on établisse des priorités entre les discriminations, il faut une directive globale. Cet engagement, maintes fois confirmé, a été signifié avec clarté à l'Inter-LGBT.
Sauf qu'à Bruxelles, la représentation française ne donne pas le même son de cloche et, à la Commission européenne, on a du mal à compter la France parmi les partisans d'une directive large et ambitieuse. Car entre l'Élysée et Bruxelles, il y a un intermédiaire de poids : Xavier Bertrand.
Le sujet relève en effet de la compétence du ministre du Travail, et c'est lui que la Commission européenne sonde, pour savoir ce que la France pourrait bien penser. Or, avant même que le débat n'ait vraiment été lancé, Xavier Betrand s'est montré d'une extrême prudence, et a au contraire donné tous les signes qu'il se contenterait d'une directive au rabais.
Dernier épisode en date : en visite à Madrid et à Lisbonne le week-end dernier, le ministre a voulu dire la ferveur avec laquelle il était attaché à une Europe sociale. Pour illustrer son propos, il a cité les chantiers prioritaires de la France pour sa présidence, en évoquant une directive «sur l'interdiction des discriminations, certainement centrée sur les handicaps». En clair, Xavier Bertrand n'a pas envie de mener la bataille, et cède aux lobbies conservateurs qui veulent une directive la moins ouverte possible.
Malaise à l'Élysée, zappé et incapable de recadrer un ministre qui joue seul sa partition. Pourtant, pour les associations, la lutte contre l'homophobie était le seul engagement présidentiel de Nicolas Sarkozy vraiment intéressant : sur la scène européenne, la campagne électorale paraît subitement lointaine...
A la veille de la Journée mondiale contre l'homophobie, plusieurs associations, syndicats et partis demandent donc une clarification : oui ou non, la France soutient-elle un projet de directive qui traite à égalité toutes les discriminations ?
Source : http://auxarmescitoyens.hautetfort.com/archive/2008/05/16/et-un-mensonge-de-plus-de-la-part-de-sarko.html